Tonie Marshall : «petite actrice» devenue réalisatrice

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«Petite actrice» devenue réalisatrice, la Franco-américaine Tonie Marshall, décédée jeudi à 68 ans, était la seule femme à avoir remporté le César de la réalisation il y a 20 ans pour «Vénus Beauté (Institut)».   Les femmes et leur place dans la société, c’était d’ailleurs le sujet de son dernier film, en 2017, «Numéro Une», ou la bataille d’une ingénieure pour prendre la tête d’une entreprise du CAC 40. «Tout ce qui est dans le film est très réaliste», confiait au moment de la sortie la cinéaste, qui avait rencontré de nombreuses dirigeantes pour ce long-métrage. «Je ne voulais pas montrer des hommes caricaturaux mais en revanche montrer à quel point ces sphères sont occupées». «Les femmes ont du mal à s’y projeter», poursuivait Tonie Marshall, qui dénonçait «une organisation frontale» et «une misogynie bienveillante, paternaliste», pour empêcher les femmes d’accéder aux plus hauts postes. Dans le monde du cinéma, Tonie Marshall assurait en revanche ne pas avoir souffert de sexisme. «Je n’ai jamais entendu dire qu’un film ne se montait pas parce qu’il était fait par une femme», disait-elle. La France «est le pays où il y a le plus de femmes en réalisation», se réjouissait la réalisatrice et scénariste, svelte, cheveux blonds coupés courts et ton décidé. Elle-même, quand elle s’est lancée dans la réalisation en 1989 avec «Pentimento» a «eu un peu peur de ne pas y arriver». «Parce que j’étais une petite actrice, que je n’avais pas fait d’école, que je n’avais pas de technique», se souvenait-elle. «Mais j’ai trouvé un réalisateur qui m’a fait confiance et j’ai appris». Emmanuelle Devos, héroïne de «Numéro Une» qui avait déjà tourné avec elle dans «Au plus près du paradis» et «Tontaine et Tonton», la décrivait comme étant «attentive aux moindres détails». «Elle connaît parfaitement son sujet, ce qui est extrêmement rassurant pour un acteur», ajoutait-elle. Avant de passer derrière la caméra, la fille de l’actrice française Micheline Presle et du réalisateur américain William Marshall connaissait déjà bien les plateaux de tournage pour avoir enchaîné une myriade de petits rôles dans les années 1970 et 1980, après être passée par le théâtre. «J’étais actrice car c’était ce qui me paraissait le plus naturel, mais je m’intéressais beaucoup à l’écriture, à la production», contait-elle. Le virus du cinéma lui a été transmis par sa mère, qui trouve souvent un petit rôle dans ses films. «Elle m’a communiqué le goût de voir des films, même toute seule, à 2h de l’après-midi», exposait-elle lors d’une rencontre à l’Ecole de cinéma Esra. Enfant, Tonie Marshall a grandi à côté du cinéma d’art et d’essai le studio des Ursulines à Paris. «Ma chambre donnait sur la cabine du projectionniste et j’apprenais des films par coeur», «je voyais même des films que je ne comprenais pas, des Bergman», se souvenait-elle. Au fil de sa filmographie, elle a dressé une galerie de portraits attachants, souvent féminins, comme celui d’Anémone, sa meilleure amie d’adolescence, dans «Pas très catholique», ou Angèle (Nathalie Baye) dans «Vénus beauté (Institut)». Avec cette comédie dramatique, qui a rencontré un vif succès, les prix ont afflué en 2000: César du meilleur film, meilleure réalisation, meilleur scénario original et meilleur espoir féminin pour Audrey Tautou. «Je parle sûrement mieux de tout ça en travaillant avec le corps des actrices, mais ce n’est pas une volonté de faire des portraits de femmes», soulignait encore Tonie Marshall, qui se voyait plutôt animée par le désir d’inventer des personnages pleins «de singularité et de fantaisie». La réalisatrice avait été à l’initiative du port du ruban blanc lors de la cérémonie des César en 2018, en association avec la Fondation des femmes, pour lutter contre les violences faites aux femmes.