Bruxelles veut réformer le droit d’auteur

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Belgian tricolor and European Union flags are seen on at the side entrance of the renovated Berlaymont Commission building in Brussels, Thursday Oct.21, 2004. EU Commission President Romano Prodi inaugurated the renovated Berlaymont building which will become the home of the European Union's head office after years of scandal and chaos surrounding the restoration. (AP Photo/Yves Logghe)

Bruxelles compte présenter la semaine prochaine une réforme du droit d’auteur, qui inquiète artistes et professionnels de l’audiovisuel de l’UE, mobilisés pour la défense de la création européenne. Avec son projet – qui devra encore être discuté et approuvé par les Etats membres et le Parlement européen -, la Commission européenne veut notamment faciliter la diffusion en ligne dans les 28 Etats de l’Union des contenus audiovisuels produits ou acquis dans un seul pays de l’Union. Mais «ce serait catastrophique pour toutes les industries de la création», a mis en garde Martin Moszkowicz, président du directoire de l’une des plus importantes sociétés de production et distribution cinématographique allemande, Constantin Film, dans un entretien au magazine «Hollywood Reporter». Pour les chaînes de télévision, «cela reviendrait à pouvoir acheter les droits pour un seul pays et avoir automatiquement gratuitement les 27 autres», a critiqué M. Moszkowicz. «Je ne vois pas comment vous pouvez abolir le géoblocage et continuer à protéger le droit d’auteur», a-t-il argué. Actuellement, les chaînes européennes de tv mettent à disposition sur leur site internet une grande variété de programmes – en direct ou en différé -, mais ces derniers ne sont généralement accessibles que dans le pays d’origine de la chaîne. Une série, produite par une chaîne de TV ou qui en a acquis l’exclusivité, peut être éventuellement revendue dans un autre pays européen, ce qui permet à celui qui en a financé la création d’en tirer des revenus. Avec son nouveau projet, l’exécutif européen compte faire tomber ce principe de territorialité des droits d’auteur: dès lors qu’une chaîne dispose d’un droit d’exploitation pour un contenu européen dans le pays européen où elle est présente, elle devra le rendre accessible partout ailleurs dans l’UE. «Nous arrivons à un système où il n’y a plus aucune incitation à investir dans le contenu et où l’on pousse toutes les licences à devenir paneuropéenne. Or, les seuls acteurs qui peuvent les acheter, ce sont en majorité des sociétés étrangères, comme Netflix, Amazon Prime, etc.», a expliqué Gregoire Polad, DG de l’Association des télévisions commerciales en Europe (ACT). Pour le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), cette réforme va dans le bon sens mais pas assez loin: «Les consommateurs veulent accéder aux films, séries télévisées et manifestations sportives de leur choix dans toute l’UE. La CE devrait faire ce qu’elle a promis: abolir le géoblocage dans l’UE». Par ailleurs, l’exécutif européen veut faciliter pour les éditeurs de presse la possibilité de réclamer des droits sur les articles mis en ligne et utilisés par Google News, Facebook et d’autres, qui en tirent indirectement des revenus pub. En créant au niveau européen un «droit voisin» du droit d’auteur pour les éditeurs de presse, la Commission intervient dans le différend qui oppose depuis des années ces derniers aux moteurs de recherche et agrégateurs de contenus, tel Google, qui exploitent leurs productions sans payer quoi que ce soit. En Espagne par exemple, les éditeurs de presse ont renoncé à demander des compensations, devant une menace de déréférencement. L’offensive de l’exécutif européen n’est pas seulement dirigée contre Google, comme l’a assuré récemment le commissaire européen à l’Economie numérique, Günther Oettinger, dans un entretien au quotidien allemand «Frankfurter Allgemeine Zeitung». «Les IPhone, Tablets ou Facebook offrent depuis longtemps des fils d’actualité», a-t-il observé. Le commissaire allemand s’est montré confiant de voir les éditeurs réussir à imposer leurs droits face à Google, car, a-t-il plaidé, le géant américain «ne peut certainement pas renoncer à l’UE avec ces 500 millions d’habitants». M. Oettinger s’est en revanche voulu rassurant à l’égard des internautes lambda. Ces derniers «peuvent continuer à publier des photos ou des liens renvoyant à des articles de journaux sur leur page facebook ou twitter, sans devoir payer quoi que ce soit», a-t-il précisé.