Canneseries : une série espagnole aux accents féministes récompensée

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Canneseries a récompensé une série espagnole écrite et interprétée par une femme («Perfect Life»), au terme d’une édition faisant le grand écart entre comédies névrosées et fictions d’anticipation. «Perfect Life» (DejateLlevar» en espagnol) a remporté mercredi soir le prix de la meilleure série et un prix spécial d’interprétation pour ces trois actrices. La série fait le portrait de trentenaires en crise, qui se débattent entre impératifs sociaux et insécurités. «La culture est une passerelle d’empathie, pour lutter contre la haine, l’intolérance, le machisme», a déclaré Leticia Dolera, en recevant son trophée, un palmier au design pop. «Il faut inclure le point de vue des femmes», a souligné l’actrice et scénariste de 37 ans dans un discours résolument féministe. «Je voulais parler des femmes autour de moi et de ce qui me tient à coeur», comme la pression d’être une superwoman, l’idée qu’on se fait de la famille, avait-elle confié quelques jours plus tôt. Ce qu’elle fait à travers le portrait de trois femmes, sur lesquelles plane l’ombre de deux autres séries culte: «Girls» et «Transparent». Cette double récompense survient alors que Canneseries s’est engagé mardi pour la parité hommes-femmes en signant la charte «50/50 pour 2020», déjà approuvée par de grands festivals de cinéma. Autre série récompensée parmi les dix en compétition: l’israélienne «Nehama» qui a valu un prix d’interprétation à Reshef Levi, figure du stand-up en Israel dont c’est le tout premier rôle à l’écran. Il incarne un quadra, père de cinq enfants, fou amoureux de sa femme, qui rêve de refaire du stand-up. Un projet qu’il va devoir réévaluer après le décès de son épouse dans un accident de voiture. Cette série tragi-comique sur le deuil et la parentalité écrite par Reshef Levi lui-même a déjà été achetée par Canal+, a-t-il annoncé. C’est sur la base généralement de deux épisodes de la première saison que le jury présidé par Baran boOdar, créateur de «Dark» (sur Netflix), devait se faire une opinion et départager les séries. Le créateur d’origine suisse, fan autodéclaré de culture japonaise et coréenne, s’était dit en amont prêt à être «surpris». «Je n’aime pas les dragons, ni la fantasy  mais j’aime «Game of Thrones»», avait-il souligné, évoquant le potentiel de surprises et retournements de la série culte, approchant de son épilogue.

Canneseries a entamé le bilan de sa deuxième édition et commence déjà a travailler à la suivante. «Le public cannois s’est emparé du festival», s’est félicité son directeur Benoît Louvet, avec 25.000 participants cette année. Adossé au MIPTV, raout de l’industrie mondiale de la télévision, Canneseries avait accueilli 20.000 participants l’an dernier. Le jeune festival, qui doit composer avec la concurrence de Series Mania à Lille, se déroulant lui aussi au printemps, avait resserré son calendrier sur six jours et étoffé sa sélection hors compétition. L’occasion pour le public de découvrir la série à costumes «Beecham house» sur l’Inde à la fin du XVIIIe siècle, «Now Apocalypse», la fiction très «sex and drugs» de l’enfant terrible du cinéma américain, Gregg Araki ou «Vernon Subutex», adaptation rock’n roll du roman à succès de la Française Virginie Despentes. Surfant sur l’image de Cannes, le festival emprunte de nombreux codes à son illustre aîné. «Notre identité, c’est le glamour, le côté très international et la qualité de la compétition», confirme M. Louvet. Comme le célèbre festival de cinéma, Canneseries a son tapis (rose), sa montée des marches, ses projections au Palais des festivals, sa compétition, son jury et sa palme… sous forme de palmier pop.