Comment Bruxelles tente d’encadrer le développement du numérique

317

Le projet de règlement sur l’intelligence artificielle annoncé mercredi s’inscrit dans un vaste ensemble de régulations européennes déjà en vigueur, ou en projet. Face à l’essor rapide des applications numériques, encore accéléré par la crise du Covid, le législateur européen redouble d’efforts pour en limiter les dérives et créer des règles homogènes parmi les 27 Etats de l’UE afin d’en saisir les bénéfices économiques.

– Protection des données : Bruxelles a mis en oeuvre en 2018 le règlement général sur la protection des données (RGPD) qui s’est imposé comme une référence mondiale. Les entreprises doivent demander le consentement des citoyens lorsqu’elles stockent leurs données personnelles, les informer de l’usage qui en sera fait et leur permettre de les supprimer. Les manquements peuvent être sanctionnés de très lourdes amendes.En Irlande, Twitter s’est par exemple vu infliger une amende de 450.000 euros par l’autorité de protection des données numériques pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de ses utilisateurs.

– Rémunération des producteurs de contenus : Google et d’autres grandes plateformes sont accusées par la presse de tirer profit de ses contenus sans partager les revenus qu’elles en tirent. Pour résoudre le problème, l’UE a instauré en 2019 un «droit voisin» qui doit permettre la rémunération des éditeurs de presse pour les contenus utilisés par les plateformes en ligne. Mais sa mise en oeuvre est difficile.Après avoir rechigné, Google a fait un premier pas en signant en novembre des accords avec des journaux en France, premier pays à transposer la directive, pour rémunérer l’utilisation de leurs contenus.  

– Limiter le pouvoir des géants : Bruxelles a présenté en décembre un vaste projet de législation visant à mettre fin aux abus des géants du numérique. L’exécutif européen a proposé deux textes complémentaires qui doivent encore être débattus par le Parlement européen et les Etats membres. Premier volet: le Règlement sur les services numériques («Digital Services Act», DSA) interdit aux plateformes d’utiliser des algorithmes pour mettre en avant de fausses informations et des discours dangereux, et des contraintes renforcées sont imposées aux plus grandes d’entre elles, notamment une obligation de moyens pour modérer les contenus. Deuxième volet: le Règlement sur les marchés numériques («Digital Markets Act», DMA) prévoit des règles spécifiques pour les seuls acteurs dit «systémiques», une dizaine d’entreprises dont la toute-puissance menace le libre jeu de la concurrence. Parmi eux, les cinq «Gafam» (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Ces règles doivent augmenter la transparence de leurs algorithmes et limiter l’usage des données privées, au coeur de leur modèle économique. Elles devront aussi notifier à la Commission tout projet d’acquisition de firme en Europe.