Sylvain Bethenod, directeur marketing et commercial de Médiamétrie, département convergence médias et cinéma fait le point pour média+ sur les nouveaux modes d’accès aux contenus audiovisuels et sur leurs effets sur la pratique des médias traditionnels.
média + : Les nouvelles technologies sont toujours plus présentes dans les foyers. Quels impacts ont-elles sur la consommation des médias audiovisuels ?
Sylvain Bethenod : Nous nous apercevons qu’aujourd’hui, il y a effectivement de nouvelles façons d’écouter et de pratiquer les médias, par d’autres canaux. C’est-à-dire écouter ou pratiquer les médias au-delà de leurs supports d’origines. Nous constatons notamment que quasiment une personne sur cinq a déjà écouté la radio sur Internet. C’est un chiffre qui augmente chaque année. Et près d’une personne sur trois a écouté la radio sur le net concernant les 15-24 ans. Nous observons que les jeunes ont plus tendance à pratiquer les nouveaux modes d’écoute. Pour la télévision, environ 15% de la population a déjà regardé la télévision sur Internet. Au cours des 30 derniers jours, les chiffres sont assez importants: environ 15% de la population déclare avoir écouter la radio sur Internet au cours des 30 derniers jours. Quand on pose cette question aux 16-24 ans, le chiffre passe à 30,2%. C’est un phénomène qui est quand même important.
média + : Observez-vous une tendance à l’appropriation des nouveaux modes d’accès aux contenus audiovisuels par les jeunes générations ?
Sylvain Bethenod : C’est effectivement ce qui se passe en général. Mais aujourd’hui il y a relativement peu d’effets sur le quotidien et sur la pratique quotidienne des médias. La radio et la télévision restent très majoritairement écoutés à partir de leurs supports d’origine. Sur 100 contacts qu’une personne a avec la radio, il y en a 97,4 qui passent par le poste traditionnel et 12,6 passent par les nouveaux canaux c’est-à-dire le téléphone ou Internet. Pour les 13-24 ans, sur 100 contacts avec la radio, 93 qui passent par les supports classiques et 7 passent par les nouveaux canaux. Cet écart entre les plus jeunes et la population est important. Nous savons qu’il va avoir une diffusion progressive de ces nouveaux usages des jeunes vers les autres populations. Pour la télévision, c’est encore plus flagrant: sur un jour moyen, il y a moins de 1% des contacts quotidiens avec la télé qui passe en dehors du poste de télévision. Par conséquent, 99 contacts sur 100 avec une émission de télévision passe encore aujourd’hui par le poste de télé. Donc, ça n’a pas encore d’effets sur le mode d’écoute traditionnel. Le comportement des jeunes va se diffuser mais je pense que ça ne va pas tant modifier que cela l’écoute ou le fait de regarder la télé sur les supports traditionnels.
média + : Pensez-vous que les nouveaux modes d’accès aux contenus audiovisuels sont complémentaires ?
Sylvain Bethenod : Aujourd’hui, les nouveaux modes d’accès aux contenus audiovisuels sont complémentaires et ils le seront sans doute également à l’avenir. Concernant les pratiques des médias en déplacement, ils progressent beaucoup depuis 2-3 ans. Nous consommons de plus en plus les médias en déplacement. D’ailleurs, on s’en aperçoit quand on prend le métro. Auparavant, en déplacement, il y avait uniquement 78% des personnes qui pratiquaient une activité média ou multimédia (presse, téléphone, multimédia, musique, jeu vidéos), ce chiffre est passé à 83,5% en quelques années. Chez les jeunes, 82% pratiquaient les médias ou le multimédia, aujourd’hui, ils sont 88%. Les médias principaux sont tout autant consommés mais ces nouveaux supports permettent de les consommer encore plus dans d’autres contextes et notamment hors de son domicile.
média + : La télévision traditionnelle, éditorialiste et linéarisée n’est-elle pas menacée par ces nouveaux modes d’accès ?
Sylvain Bethenod : Je ne le pense pas. Aujourd’hui, il n’y a pas de cannibalisation. Moins de 1% des contacts quotidiens pour la télé sont réalisés en dehors du poste de télévision. Moins de 3% pour la radio. Alors, ces chiffres augmentent mais ces nouvelles pratiques ne viennent pas empiéter sur les modes classiques. Ce sont deux offres différentes car ce sont des contenus différents. Les contenus vont être adaptés à un contexte. Pour nous aujourd’hui, c’est complémentaire. Nous savons que l’offre des contenus va s’améliorer sur les mobiles. Quand le confort sera meilleur, quand la qualité de réception et d’émission sera meilleure, ces comportements vont augmenter. Les pratiques médias sur le téléphone notamment vont augmenter mais de là à dire qu’ils vont venir empiéter sur la pratique de la télévision, je n’y crois pas. Ce sont deux offres différentes. Par exemple, l’essor de Canal+ n’a pas eu d’effet à long terme sur la fréquentation du cinéma. Il y a encore plus de 180 millions d’entrées au cinéma, il y a de bonnes années d’entrées et pourtant l’offre de contenus et de films vidéo ne cessent d’augmenter car c’est un lieu et un contexte différent.
média + : La télévision traditionnelle ne doit-elle pas opérer une certaine transformation de ses contenus pour ne pas perdre en audimat ?
Sylvain Bethenod : Pour l’instant, ces offres sont complémentaires et on ne peut pas diffuser les mêmes contenus sur un téléphone que sur un poste de télévision, selon moi il y a vraiment complémentarité. En fait, il y a augmentation des occasions de pouvoir être en contact avec un média. Auparavant, il était difficile d’avoir un contact avec un média dans les transports en communs, pour la musique, les baladeurs mp3 étaient plus gros, moins pratiques…Aujourd’hui, lorsqu’on est dans le métro, il est beaucoup plus simple de prendre contact avec un contenu multimédia.