G. CHARLES (M6) : « Nous avons une véritable culture de l’innovation »

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Nouvelle rentrée et ambitions renouvelées pour M6. Au menu, des prises de risque éditoriales en matière de programmation, une logique opportuniste autour de formats de flux, et un point d’ancrage autour des nouveaux enjeux liés à la consommation en streaming. Rencontre avec Guillaume CHARLES, Membre du Directoire du Groupe M6 en charge des programmes et contenus.

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Comment gérez-vous les risques inhérents à votre ambition de renouvellement et d’innovation ?

GUILLAUME CHARLES

Les risques, on en prend tous les jours! Depuis quatre ans, nous avons un taux de réussite assez exceptionnel. Pratiquement tout ce que nous avons lancé a été couronné de succès. Certes, l’équilibre s’est un peu rétabli ces dernières semaines. Mais comme le dit le dicton, «qui ne tente rien, n’a rien». C’est inhérent à l’industrie télévisuelle. Nicolas de Tavernost, le PDG du Groupe M6, nous dit parfois qu’il serait inquiet s’il n’y avait pas d’échecs, car cela signifierait que nous ne tentons rien. Sur M6, nous avons l’obligation d’innover. C’est ce que les téléspectateurs attendent de nous. On nous demande parfois si nous allons relancer d’anciennes marques, je ne dis pas que cela n’arrivera jamais, mais d’une certaine manière, ce n’est pas ce qu’on attend le plus de M6. Quand «Les Traitres» ont été lancés, cela ne ressemblait à rien d’autre, et le public nous a largement plébiscité pour cela. Dans un passé lointain, lorsque nous nous inspirions des programmes de nos concurrents, cela ne fonctionnait pas. Nous avons donc une véritable culture de l’innovation.

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Cela signifie que vous êtes de plus en plus à l’écoute des créations françaises ?

GUILLAUME CHARLES

C’est une question qu’on nous pose régulièrement. Souvent, les formats que nous diffusons sont d’origine étrangère parce que des pays comme les Pays-Bas ou l’Angleterre, qui sont très innovants, nous permettent de voir à quoi ressemble un programme sans avoir à réaliser un pilote. Par exemple, nous avons acheté «Les Traitres» dans sa version néerlandaise sous-titrée. Nous ne connaissions pas les célébrités, mais nous avons réussi à être captivés par le format qui met en scène des gens sortis de nulle part. Cela nous permet d’anticiper le résultat. Parfois, nous achetons un format avant même de connaître les audiences. C’est le cas avec «Destination X» (ITV Studios), un jeu d’aventure immersif bientôt à l’antenne. C’est le format événement de la saison. Il y a donc ces «travelling formats» portés le plus souvent avec des sociétés françaises affiliées à des groupes mondiaux. «Le plus grand karaoké de France» (DMLSTV), qui est une création française, est un exemple de format que Banijay va essayer de faire voyager avec une dimension plus locale.

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L’investissement en Prime est-il la priorité du groupe ?

GUILLAUME CHARLES

À l’heure actuelle, notre grand défi est le renouvellement du Prime. Cette plage horaire nécessite un vent de fraîcheur. Le pré-Access, lui aussi, requiert l’introduction de nouvelles marques. Cependant, comme la séquence du «19/45» suivi de «Scènes de Ménages» est très efficace, nous avons une base solide. En ce qui concerne la première partie de soirée, notre offre a évolué. Nous diffusons désormais moins de séries américaines. Il y a quelques années, M6 leur consacrait deux soirées et demie. Le marché américain local s’est fragmenté avec d’un côté, des séries destinées aux plateformes qui ciblent un public légèrement plus jeune, et de l’autre, des séries destinées aux grands réseaux de télévision pour un public plus âgé. Il a donc été nécessaire de lancer de nombreux nouveaux programmes.

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Quel est l’objectif stratégique de M6 pour ses documentaires, étant donné son ambition volontariste dans ce domaine ?

GUILLAUME CHARLES

Nous avons déjà développé une solide expertise à travers nos magazines que l’on pousse sur le documentaire. En complément de l’offre pléthorique de fictions disponibles sur les plateformes et les autres chaînes, nous pouvons offrir non seulement du divertissement, des magazines, mais aussi des documentaires. C’est une voie que nous explorons activement. Tous les après-midis, par exemple, nous proposons «Un jour, un Doc». Cette case est en train de s’installer et génère bien plus d’audience que les téléfilms diffusés auparavant. La différenciation des chaînes de télévision repose aussi sur cet ancrage local et sur l’approche de sujets qui concernent directement la société. Certes, les plateformes produisent du contenu local, mais de manière plus sporadique et, surtout, avec une distribution internationale, ne nous y trompons pas.

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Comment M6 envisage-t-elle d’adapter sa programmation à l’ère du streaming ?

GUILLAUME CHARLES

Si l’on prend l’exemple de «Pékin Express», plus d’un tiers de sa consommation se fait en non linéaire. Selon nous, un critère essentiel des programme streamés est le côté feuilletonnant du programme. Par exemple, «L’amour est dans le pré», qui est la plus grande comédie romantique de France, réalise d’excellents scores en replay. Pourquoi ? Parce que si vous avez manqué un épisode, vous voulez absolument savoir ce qui s’est passé pour pouvoir suivre l’histoire. Ce facteur est donc crucial dans notre sélection de programmes.

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Quels sont les nouveaux territoires que M6 envisage d’explorer ?

GUILLAUME CHARLES

La photo ! L’essor des smartphones et des réseaux sociaux a fait de la photographie un élément incontournable de notre vie quotidienne. C’est l’activité de loisir la plus populaire en France, avec plus d’un Français sur deux qui la pratique. Pourtant, beaucoup d’entre nous ignorent toujours comment réaliser la photo idéale. Avec «La Photo Parfaite» (ITV Studios), un nouveau type de compétition, nous visons à offrir ces connaissances tout en divertissant le public. Dans cette compétition, six célébrités se mesureront à travers divers défis alliant différents décors, sujets, et types d’appareils photo. Stéphane Rotenberg animera l’émission, assisté de deux photographes renommés chargés de guider et d’évaluer les œuvres de chaque candidat. Les téléspectateurs pourront se divertir et apprendre.

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Est-il vrai que vous envisagez de mettre en place un talk-show ?

GUILLAUME CHARLES

Oui, c’est toujours en projet. Ça ne sera pas à la rentrée. L’intérêt pour M6 est d’avoir une émission d’accueil. On y travaille avec soin et enthousiasme mais on ne veut pas se précipiter.