Les usages controversés des technologies inquiètent mais font toujours recette

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Le salon annuel de l’électronique qui s’ouvre mardi à Las Vegas illustre le décalage entre les inquiétudes autour des usages controversés des technologies et l’appétit des consommateurs pour les dernières nouveautés. Du 7 au 10 janvier, quelque 175.000 visiteurs vont parcourir les allées du Consumer Electronics Show (CES) et s’émerveiller devant les derniers robots, écrans et vibromasseurs connectés. Au menu, des objets à forte teneur en intelligence artificielle (IA) pour la maison, les voitures, la santé, l’urbanisme… qui communiquent avec les humains, et bientôt entre eux grâce à la 5G. Loin des scandales sur les données personnelles récoltées à tout-va, La Consumer Technology Association (CTA), qui organise le CES, prévoit des records pour les technologies de grande consommation aux Etats-Unis en 2020. Les ventes de téléviseurs, smartphones et maison connectée, devraient ainsi progresser respectivement de 2, 3 et 4%, et celles des écouteurs sans-fil pourraient bondir de 31%, avec près de 67 millions de paires vendues (8,2 milliards de revenus). La santé, la beauté et le bien-être feront partie des stars de ce salon, avec des objets et des applications de plus en plus connectés et intimes. Du diagnostic aux traitements, le secteur des appareils numériques de santé devrait croître de 16% cette année, à 10 milliards de dollars de recettes. Babytech, sleeptech (tech du sommeil), familytech…. «l’IA et l’apprentissage automatique imprègnent tout le secteur de la santé», assure Jill Gilbert, de «Living in digital times», qui organise des conférences au CES. Lors d’une avant-première pour la presse dimanche, elle a cependant reconnu que «la plus grande barrière à l’adoption des dernières technologies, ce n’est pas l’innovation, mais la confiance». Tous ces objets (enceintes et montres connectées, par exemple) sont en effet régulièrement accusés d’espionner leurs propriétaires à leur insu. Les associations ont sonnent régulièrement l’alarme sur l’exploitation des données par les réseaux sociaux, les marques, les gouvernements et les hackers. Les régulateurs américains et européens ont infligé des amendes salées. Certains politiques appellent au démantèlement des plateformes dominantes. Et les Etats-Unis sont engagés dans une guerre commerciale contre leur rival économique et technologique, la Chine, qui déteint sur le commerce mondial. «Il est très à la mode de se plaindre des technologies», écrivait l’auteur américain Rob Walker dans le «NYT» en septembre. «Nos appareils nous distraient, les réseaux sociaux empoisonnent le débat public, les nouveaux objets branchés bafouent notre droit à la vie privée (…) mais en réalité nous aimons nos gadgets plus que jamais. Il n’y a pas de retour de flammes contre la tech». Pour mieux devancer nos désirs, l’apprentissage automatique des machines va monter en puissance. Elles savent déjà reconnaître nos voix et nos visages, elles y décèleront bientôt nos émotions. Les connaissances en données émotionnelles «ont atteint un niveau suffisant» pour que les entreprises puissent s’en servir à des fins de marketing, d’études de marché ou de sondages politiques, estime le cabinet Accenture. Les robots-compagnons pourront ainsi manifester plus d’empathie à l’égard des personnes âgées, et un véhicule pourra sans doute réagir aux signes de fatigue du conducteur. Mais «lire les émotions est un business particulier», relève un rapport d’Accenture. «Les utilisateurs vont s’inquiéter de potentiels problèmes de confidentialité, failles de sécurité, manipulations et préjugés». A charge pour les sociétés de trouver le bon équilibre. «Entre ce que les consommateurs disent et ce qu’ils font il y a souvent un monde», observe Tuong Nguyen, analyste chez Gartner. «Il faut les rassurer sur les questions de vie privée et de sécurité tout en concevant des objets intéressants et utiles».