France 4 fait sa révolution culturelle estivale. La chaîne prend officiellement le titre de «chaîne des festivals», avec une couverture inédite de plus de vingt événements musicaux et culturels partout en France. Captations quasi-live, ancrage régional, synergies avec France 3 et visibilité renforcée grâce au passage sur le canal 4 : Michel Field, directeur de la Culture à France Télévisions, décrypte les ambitions, les enjeux éditoriaux et les équilibres budgétaires de ce virage stratégique.
France 4 devient officiellement «la chaîne des festivals» cet été…
Nous accompagnons les festivals depuis plusieurs années, notamment depuis l’arrivée de Culturebox sur la TNT. Mais le basculement sur le canal 4 a été l’occasion de renforcer considérablement notre dispositif. Cet été, nous serons présents sur une vingtaine de festivals, avec plus d’une cinquantaine de captations, à la fois pour l’antenne linéaire et pour le numérique. Ce positionnement est désormais pleinement assumé. J’ai notamment renforcé les partenariats avec les antennes régionales de France 3 et les 1ères : nous serons ainsi à Toulouse pour Rio Loco, au festival de Carcassonne, et même à La Réunion pour l’un des grands événements musicaux de la fin août. À chaque fois, l’ancrage local permet de mutualiser les moyens et de proposer une visibilité nationale à ces rendez-vous culturels.
Comment sélectionnez-vous les artistes tout en garantissant diversité, représentativité et visibilité ?
Vous avez parfaitement résumé les trois critères clés. Nous dépendons beaucoup de la programmation des festivals et des relations entre les producteurs et ces festivals. Certains événements accueillent de grandes têtes d’affiche internationales, mais souvent les droits sont inaccessibles pour nous. Cela dit, lorsque nous arrivons avec une offre sérieuse de captation en volume, cela facilite les négociations. C’est le cas par exemple du Main Square Festival où, au-delà du concert événement de DJ Snake, nous proposerons cinq ou six captations numériques. Aux Francofolies, nous capterons Véronique Sanson, Jean-Louis Aubert, Ben Mazué… Cela donne de la force au dispositif.
Diffuser les concerts dans le temps du festival, voire en direct, c’est une vraie nouveauté ?
Oui, c’est une véritable évolution. Par le passé, avec Culturebox, certaines captations n’étaient diffusées qu’en septembre ou octobre. Aujourd’hui, nous essayons de faire vivre les festivals dans leur temporalité réelle. Le direct reste rare, car les artistes ne sont pas toujours ponctuels et beaucoup se produisent tard, vers 23h ou minuit. Mais nous visons des diffusions au jour J, ou au J+1/J+2 selon les cas. Par exemple, Jérémy Frérot sera capté le 18 juillet à Rodez et diffusé le 21.
L’arrivée de France 4 sur le canal 4 a-t-elle renforcé sa visibilité et sa légitimité ?
Oui, clairement. Il y a un effet mécanique d’exposition : les téléspectateurs zappent plus facilement sur le canal 4 que sur le 14. Ensuite, notre travail, c’est de faire en sorte qu’ils restent ! Mais cette montée en puissance ne date pas d’hier : cela fait trois ou quatre ans que nous tissons des liens solides avec les festivals. Nous innovons aussi : fin juin, nous capterons à Marseille le spectacle de danse de Mehdi Kerkouche, une première. Le Fnac Live, début juillet, entre aussi dans notre giron. Nous restons fidèles aux grands rendez-vous (We Love Green, Vieilles Charrues, Francofolies…) tout en élargissant à des événements comme le Golden Coast à Dijon ou Rock en Seine, où nous proposerons une dizaine de captations.
Avez-vous déjà observé un effet d’audience suite à ce changement de canal ?
Ce que nous constatons surtout pour l’instant, c’est une attention accrue des journalistes et des professionnels. Côté audiences, nous avons des signes encourageants. Par exemple, le spectacle de Alex Vizorek a réalisé la meilleure audience de l’histoire de la chaîne, avec 600 à 700.000 téléspectateurs, dépassant même les chaînes info ce soir-là. Mais nous restons lucides : certains concerts ou opéras atteindront 90.000 spectateurs, et c’est très bien aussi. Il ne faut pas tout juger à l’audience brute. Notre mission, c’est d’exposer toutes les formes de culture, même celles moins «mainstream».
Dans un contexte de réduction budgétaire, comment avez-vous pu assurer une couverture aussi ambitieuse cet été ?
C’est vrai, les budgets sont contraints. Le groupe demande une baisse généralisée aux producteurs, eux-mêmes sous pression car leurs coûts augmentent. Mais nous optimisons : nous travaillons souvent avec des producteurs liés aux festivals, ce qui permet de mutualiser certains moyens (scène, éclairage, etc.). Et puis, nous compensons la baisse des tarifs unitaires par le volume. Un producteur qui assure trois captations linéaires et quatre numériques s’y retrouve, car ses frais fixes sont amortis. Je veille aussi à préserver la diversité des producteurs : beaucoup sont de petites structures pour qui ces festivals représentent une part importante du chiffre d’affaires. Notre objectif est de maintenir un écosystème équilibré.
Quel rôle jouent les antennes régionales de France 3 dans cette stratégie ?
Elles sont devenues des partenaires clés. Avant, nous fonctionnions en silos. Désormais, nous mutualisons beaucoup plus. Parfois, la région co-produit avec nous, ou profite de nos moyens de captation. D’autres fois, nous leur laissons la première diffusion. Et il arrive aussi que nous récupérions des captations régionales pour une exposition nationale. C’est une circulation fluide et très saine. Nous avons une force incroyable avec le réseau France 3 : leur ancrage local est inégalé. Ce serait dommage de ne pas en tirer parti.
France 4 continuera-t-elle à porter cette identité culturelle une fois l’été terminé ?
Absolument. Dès la rentrée, France 4 retrouvera ses grandes soirées structurantes : une dédiée au théâtre, une autre à la musique classique et à l’opéra, une à l’humour. La nouveauté : deux cases de cinéma d’auteur au lieu d’une seule, pour mieux exposer les films qui ont du mal à trouver leur place sur France 2 ou France 3. Nous développons également un pôle documentaire culturel avec une soirée dédiée. Mais le cœur de la grille reste le spectacle vivant. C’est notre ADN, et France 4 continuera d’en être la vitrine.