Un jeune espion de la Stasi, héros de la série allemande «Deutschland 83»

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Joerg Winger, producteur allemand et son épouse Anna, romancière américaine, vivent à Berlin où ils ont créé la série «Deutschland 83», dont le héros est un jeune espion de la Stasi au plus fort de la guerre froide, un parti pris rare en Allemagne. La découverte de la série danoise «Borgen» a été le déclencheur de leur projet, racontent-ils avant la présentation de «Deutschland 83» au public du Festival Séries Mania à Paris. «En Allemagne, il n’y a pas de série «feuilletonnante»», explique Anna Winger, «j’ai pensé que ce serait comme écrire un roman et que nous pourrions travailler ensemble avec Joerg». Et c’est allé, très vite. En décembre 2013, Anna attaque l’écriture du pilote. En décembre 2014, le tournage de la 1ère saison est terminé. La série est présentée à la Berlinale en février, acquise dans la foulée par le réseau américain Sundance pour diffusion en juin. Elle arrivera en France sur Canal+ en octobre et en Allemagne en novembre. Des négociations sont encore en cours au Royaume-Uni. La Scandinavie a signé. «La série suscite un intérêt très vif, c’est la 1ère du genre en Allemagne, c’est énorme! Tout le monde est accroc aux séries scandinaves, nord-européennes, américaines, françaises aussi et se demandait où étaient les Allemands», explique le producteur.Selon le couple, les jeunes Allemands connaissent moins bien l’histoire de la guerre froide et du mur de Berlin que celle de la Seconde Guerre mondiale. La série rappellera sans doute aux téléspectateurs les films «Good Bye Lenin !» (2002) ou «La Vie des Autres» (2006). La première saison Deutschland 83 compte huit épisodes de 45’ dont le dernier est encore en post-production. Mais la 2ème saison est déjà dans les tuyaux. «En principe, elle devrait se dérouler en 86/87. La troisième en 89, année de la chute du mur», confie Joerg Winger. L’idée originale a jailli d’un souvenir de son service militaire dans la Bundeswehr, l’armée ouest-allemande. A l’époque, en 1983, il écoutait les communications de l’armée soviétique pour le compte de l’Occident, assoiffé de renseignement au plus fort de la guerre froide. «J’étais aux écoutes comme d’habitude, quand à la veille de Noël un Russe a lancé: «Joyeux Noël Joerg!». Nous avons alors compris que la Stasi avait une taupe chez nous». 

Dans leur thriller d’espionnage, la taupe du service de renseignement est-allemand s’appelle Martin. Il a 20 ans tout au plus, et fait son service militaire. Fils unique, il rentre en permission pour l’anniversaire de sa mère. Sa tante qui travaille pour la Stasi est également de la fête. Elle se met en tête de le recruter en lui faisant du chantage affectif, pour qu’il infiltre l’armée d’Allemagne de l’ouest afin de recueillir des informations stratégiques, au sein même du commandement de l’OTAN. C’est «un renversement des rôles inhabituel, mais plus intéressant, plus amusant, plus intriguant» dans le paysage audiovisuel de l’Allemagne d’aujourd’hui où les héros sont rarement est-allemands, précise Anna.Le choix de l’année 1983 s’explique par l’état très dégradé des relations américano-soviétiques. Ronald Reagan alors président des Etats-Unis avait «un discours très agressif, il qualifiait l’URSS d’«empire du mal»», rappelle Joerg Winger. En novembre 1983, l’OTAN allait se livrer à un exercice de simulation d’escalade du conflit, baptisé «Able Archer». «Les Soviétiques, sous la direction de Iouri Andropov, vieux et malade, ex-patron du KGB, très parano, se sont dit que les manoeuvres occidentales cachaient peut-être une véritable attaque», ajoute le producteur, «ils ont failli appuyer sur le bouton nucléaire les 1ers». «Tout le monde avait peur mais personne ne savait à quel point il aurait fallu être effrayé», ironise le couple.