Vidéosurveillance: la Cnil lance une «procédure de contrôle» vis-à-vis du ministère de l’Intérieur

186

La Cnil, autorité indépendante gardienne de la vie privée des Français, a annoncé mercredi lancer «une procédure de contrôle» vis-à-vis du ministère de l’Intérieur, après la publication d’informations concernant l’utilisation non déclarée par la police d’un logiciel de vidéosurveillance. «La Cnil initie une procédure de contrôle vis-à-vis du ministère de l’Intérieur suite à la publication d’une enquête journalistique informant d’une possible utilisation par la police nationale d’un logiciel de vidéosurveillance édité par #BriefCam», a annoncé la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur le réseau social X (ex-Twitter). Selon une enquête du site d’investigation Disclose parue mardi, les forces de l’ordre ont acquis en 2015, «en secret», un logiciel d’analyse d’images de vidéosurveillance de la société israélienne Briefcam, spécialisée dans le développement de logiciels destinés à la vidéosurveillance algorithmique, et aujourd’hui détenue par le géant japonais Canon. «Depuis huit ans, le ministère de l’Intérieur dissimule le recours à cet outil qui permet l’emploi de la reconnaissance faciale», écrit Disclose. Contacté, le ministère n’avait pas donné suite pour l’heure. La publication de l’enquête a provoqué des remous au Sénat, où deux sénateurs socialistes se sont interrogés sur la légalité de cette pratique lors d’une conférence de presse. «Ces révélations, c’est un camouflet vis-à-vis du Parlement dans sa mission de contrôle. Nous n’avons jamais été informés dans nos auditions de la possible utilisation de cet outil dont le caractère intrusif dans nos vies personnelles est connu, tout comme son caractère inquiétant pour les libertés publiques», a déclaré Jérôme Durain, co-auteur en 2022 d’un rapport sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public. «Il peut y avoir des expérimentations locales encadrées avec une base législative l’autorisant. Mais si c’est généralisé ou à grande échelle, cela pose vraiment la question de l’illégalité sur un sujet extrêmement sensible», a ajouté la sénatrice Sylvie Robert, membre du collège de la Cnil.

La Commission mène déjà des contrôles sur les caméras de vidéosurveillance algorithmique (ou «augmentées») utilisées notamment par des collectivités locales. «On contrôlera très probablement certaines des caméras augmentées utilisées dans le cadre des JO» de Paris, avait par ailleurs assuré l’instance en mai. Le Parlement a adopté en avril un texte de loi en vue des JO-2024 qui contient un important volet sécuritaire, dont la vidéosurveillance algorithmique, censée permettre de repérer plus rapidement des «événements» potentiellement dangereux à partir d’images de caméras et de drones, et de les signaler aux équipes de sécurité. L’exécutif et le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, invoquent le besoin de sécuriser les millions de visiteurs et insistent sur les garde-fous et l’absence de reconnaissance faciale. Mais des élus de gauche, des associations comme Amnesty International et la Quadrature du net, ou le Conseil national des barreaux sont contre.