Arte Radio souhaite évoluer et se faire connaître du grand public

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Le site Arte Radio a su séduire une communauté de fans en quinze ans d’expérimentations sonores et tente maintenant de se faire connaître du grand public, alors que les sites de podcasts se multiplient. Depuis sa création, cet ovni numérique d’Arte France explore les possibilités du podcast «natif» sur internet, s’affranchissant des contraintes de la bande FM. Les 2.200 podcasts proposent des rencontres, des témoignages, des fictions ou des enquêtes oniriques, au son léché et aux titres accrocheurs et décalés. Résultat: le site rafle les récompenses internationales et enregistre 300.000 écoutes par mois. Ses fans se pressent à chacun de ses «goûters d’écoute», toujours complets, où les auteurs viennent présenter leurs créations dans une salle parisienne. Le site a été imaginé en 2002 par le fondateur d’Arte, Jérôme Clément, comme un pendant FM de l’antenne mais le projet a vite dévié, devenant un espace de recherche et de création en ligne. Il a depuis gardé cette ligne directrice, précise son fondateur Silvain Gire, toujours aux manettes: «le podcast est un «je» qui parle à des solitudes. Ca s’apparente plus à de la lecture que de la radio». Alors qu’il fête ses quinze ans, le site cherche à se faire connaître sur les réseaux sociaux avec une nouvelle routine de cinq émissions récurrentes depuis la rentrée. Parmi elles, «Sex & Sounds», qui explore les rapports entre ces deux domaines, et «Un podcast à soi», sur les questions d’égalité et de genre. Une façon de mieux fédérer ses auditeurs et d’être plus présente sur les plateformes comme Deezer, où Arte Radio vient d’arriver pour toucher un nouveau public. Car le site a vu apparaître ces derniers mois de nombreux concurrents dans ce créneau des podcasts natifs, avec Binge Audio et Studio 404, les émissions de Deezer ou encore les nouveaux podcasts natifs de Radio France. «On croit beaucoup à cet ovni, revendiqué comme tel, mais qui a trouvé son public», assure Bruno Patino, directeur éditorial d’Arte France, qui «regrette parfois qu’elle n’ait pas la notoriété qu’elle mérite».Le budget annuel du site a plus que triplé depuis sa création, s’établissant à 350.000 euros hors salaires des cinq permanents. Une version allemande a été un temps envisagée mais abandonnée pour raisons budgétaires.

Si certains acteurs du monde de la radio reprochent au site une programmation un peu trop sophistiquée, avec un côté «entre-soi», Arte Radio a eu une forte influence sur les podcasts créés ces dernières années. «Ils ont montré la voie», souligne l’ex-journaliste de France Inter Pascale Clark, qui a lancé cette année un site de podcasts consacré à l’actualité, Boxsons. «Merci pour tout! C’est un mariage exceptionnel entre l’intime et le son». Plus gros succès d’Arte Radio, la série Crackopolis, écoutée 300.000 fois depuis sa diffusion en 2014, donne la parole à un jeune homme sur son addiction. Dans la série «A fleur de peau», bientôt en ligne, une journaliste teste des remèdes de sorciers et marabouts pour soigner son psoriasis. C’est le résultat d’une «politique des auteurs» qui met en avant des voix inédites, selon Silvain Gire. Le site est ouvert à toutes les idées, tous les formats et son omniprésent fondateur «ne regarde pas les CV» mais les projets, insiste-t-il. Le site confie souvent ses micros à des débutants, même s’il compte plusieurs collaborateurs réguliers, qui travaillent souvent en parallèle pour Radio France. Il suffit de proposer un projet inédit, soit «une narration, un personnage, une histoire, une dramaturgie, un dispositif sonore», détaille Silvain Gire sur une page de son site intitulée «Comment se faire refuser un projet?». Après une sélection drastique, l’équipe de cinq permanents encadre les auteurs, donnant «une couleur Arte Radio» au projet, ce qui peut donner lieu à des conflits d’ego, reconnaît son équipe. «La voix, en radio, c’est l’âme de la personne: elle doit être respectée», souligne Silvain Gire.