La chaîne russe RT peaufine encore sa ligne éditoriale

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Un mois après son lancement très critiqué en France, la chaîne russe RT peaufine encore sa ligne éditoriale «alternative» et propose pour l’instant une grille de programmation encore peu fournie. Avec un JT de 30 minutes toutes les heures, l’antenne reste assez pauvre en images fraîches et en directs vidéo, comparée à sa grande soeur anglophone ou à d’autres chaînes d’information. Si ses reporters étaient présents sur les grands évènements politiques du mois, le spectateur voit surtout se succéder sur le plateau vert de RT des experts venus commenter l’actualité et des interviews par téléphone, menées par les jeunes journalistes recrutés par la chaîne. La ligne de RT? Telle qu’on l’entrevoit depuis un mois, la chaîne privilégie l’actualité internationale (Syrie, Russie) et, en France, les polémiques politiques et de société. Aux JT succèdent des rediffusions de reportages réalisés par le réseau international de RT, comme ces derniers jours un sujet sur le «Bruce Lee afghan» qui tourne en boucle. Depuis son lancement en France le 18 décembre, l’évènement phare de la chaîne a été la conférence de presse d’Emmanuel Macron du 3 janvier, où il a annoncé une loi contre les «fake news» en période électorale, souligne Xenia Fedorova, la jeune directrice de RT France, dans une interview. «Les vraies cibles (de cette loi) sont les médias en général», condamne-t-elle. La chaîne s’est plainte de s’être vue refuser une accréditation par l’Elysée, à deux reprises. «L’Elysée est devenue la forteresse impénétrable pour nous, journalistes de RT France», a regretté la journaliste de RT Mona Hammoud, sur sa chaîne. Contactée, l’Elysée ne s’est pas exprimée. Mais le président Emmanuel Macron avait accusé en mai RT et le site public russe Sputnik de s’être comportés en «organes d’influence (…) et de propagande mensongère» pendant la campagne présidentielle. RT, télévision publique d’information russe, a pour mission officielle d’apporter un «point de vue alternatif» et un «aperçu de la position russe» aux téléspectateurs étrangers, et dispose déjà de chaînes diffusant en anglais, espagnol et arabe. Elle vient compléter l’offre d’information internationale en français aux côtés de médias comme France 24 ou la chaîne israélienne i24News. La chaîne n’est disponible pour l’instant que sur internet, sur le canal 359 du bouquet Free et par satellite, mais souhaite étendre sa diffusion. Ses négociations avec Orange et Bouygues Telecom pour diffuser sur leurs box ont pris du retard, selon la chaîne. «Si ça ne se se fait pas, ce sera sûrement pour des raisons politiques», accuse Xenia Fedorova. Comme les autres chaînes diffusant des informations, RT est placée sous la surveillance d’un comité d’éthique, qui doit encore être validé par le CSA avant de se réunir prochainement. Ce comité est chargé d’informer le CSA d’éventuels problèmes et de publier un rapport annuel. Après plusieurs défections, il est finalement composé de Thierry Mariani, ex-ministre LR et co-président de l’association Dialogue Franco-Russe, de la diplomate Anne Gazeau-Secret, du directeur du défunt magazine Afrique-Asie Majed Nehmé et du grand reporter Jacques-Marie Bourget, qui collaborait à ce magazine. Le cinquième membre de ce comité, l’ex-président de Radio France Jean-Luc Hees, a déclaré s’être «engagé sur le fait qu’il n’y ait pas de dérapage» et remarque que, «s’il y a un problème déontologique, ça coutera cher à la chaîne». «La démocratie n’est pas en danger parce que cette chaîne fonctionne avec sa vision tranchée», souligne Jean-Luc Hees. Après un mois de diffusion, les audiences de RT France n’ont pas été divulguées, mais le site du média «continue de grossir», assure Xenia Fedorova. RT, ajoute-t-elle, fait déjà de la publicité sur les réseaux sociaux et pourrait communiquer plus largement par la suite, ainsi qu’embaucher de nouveaux journalistes.