Crunchyroll, le géant du streaming d’anime

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Les dirigeants de Crunchyroll, site autrefois aux frontières de la légalité devenu en quelques années l’une des principales plateformes mondiales de streaming d’animation japonaise, se félicitent que le genre devienne «omniprésent», prévoyant une croissance «soutenue» de leurs abonnés. Surfant sur le succès croissant de ce média autrefois mal considéré, la plateforme, rachetée fin 2020 pour près de 1,2 milliard de dollars par Sony et fusionnée avec Funimation, son propre service de streaming d’anime, revendique aujourd’hui 10 millions d’abonnés payants dans 200 pays et territoires. «L’anime se développe à grande vitesse depuis longtemps. Mais nous sommes ravis de le voir devenir un mouvement mondial et être adopté dans le monde entier», déclare le président de Crunchyroll, Rahul Purini. En 2021, le marché mondial de l’anime nippon se chiffrait à plus de 2.700 milliards de yens (19 milliards d’euros), un montant record, dont quasiment la moitié générée hors de l’Archipel, selon l’Association de l’animation japonaise. Crunchyroll, qui organisait le week-end dernier sa cérémonie annuelle de récompenses, tenue pour la 1ère fois au Japon, s’est félicité de la présence de personnalités de Hollywood fans d’anime comme le réalisateur Robert Rodriguez. «C’est vraiment emblématique de la manière dont l’anime est devenu un divertissement grand public dans l’ère du temps», pense Gita Rebbapragada, directrice marketing de Crunchyroll. «Aux Etats-Unis, les gens savent que l’anime n’est pas (seulement) pour les enfants, qu’il y a des scénarios sophistiqués», note Mme Rebbapragada. «Beaucoup de gens connaissent «Dragon Ball», mais des séries comme «Spy Family» s’éloignent du shonen (oeuvre pour un public de jeunes garçons, NDLR) traditionnel et sont des opportunités d’être accessible à une plus large audience», selon Brady McCollum, directeur de l’exploitation de Crunchyroll. Par ailleurs, «la pandémie a eu un gros impact en donnant au public l’occasion de découvrir de nouvelles formes de divertissement», estime-t-il. Cet engouement s’est aussi prolongé avec la réouverture des cinémas, et plusieurs films d’animation japonaise distribués par Crunchyroll ont conquis ces derniers mois les 1ères places du box-office américain. Non sans ironie, le site créé en 2006 par des étudiants américains pour partager des dessins animés sous-titrés ou doublés, sans toujours s’embarrasser des droits d’auteur, alerte aujourd’hui contre les risques liés au piratage. Les débuts de Crunchyroll «montraient la force de la communauté et l’intérêt pour l’anime», se défend M. McCollum, rappelant qu’une offre d’abonnement en règle avec les droits d’auteurs avait été déployée dès 2009. Aujourd’hui, «le piratage est un défi pour tout divertissement», estime-t-il, et la plate-forme veut «informer» le public sur les manières légales de consommer ces contenus. Crunchyroll, qui propose également mangas et jeux vidéo avec son catalogue de 18.000 heures d’anime, en plus de ses activités dans l’édition de mangas et la commercialisation de produits dérivés, prévoit «une forte croissance pour l’anime et pour nous-mêmes», dit Mme Rebbapragada. Elle souligne «l’enthousiasme» sur les nouveaux marchés où se développe Crunchyroll comme l’Inde, avec des offres de doublages et des tarifs adaptés à chaque région. Ces dernières années, l’industrie de l’animation a aussi connu une croissance exponentielle en Chine. Si la majorité des productions proposées par Crunchyroll sont aujourd’hui japonaises, ses responsables reconnaissent «les progrès phénoménaux» des séries chinoises, mais aussi d’oeuvres comme «Solo Leveling» basées sur des «webtoons», forme de BD à destination des écrans de smartphones, née en Corée du Sud.