Des applications ciblent une nouvelle génération éprise de finance

247

Une nouvelle génération d’investisseurs est née. Des applications ciblent ces jeunes épris de finance et qui trouvent leurs conseils directement sur Youtube. Mais les marchés de capitaux, plus accessibles que jamais, n’en restent pas moins risqués. Sortie en 2013, l’application américaine Robinhood (Robin des Bois en français) a fait sensation dans les pays occidentaux, en voulant convertir les «personnes ordinaires» à l’investissement personnel. Depuis, des équivalents locaux fleurissent, du Nigeria à l’Inde, pour attirer les 20-30 ans. «Je ne me préoccupe plus vraiment de l’université, pour être honnête. Maintenant c’est marchés, marchés, marchés», reconnait Ishan Srivastava, étudiant à New Delhi, qui a débuté le «trading» fin décembre. A 20 ans, Ishan Srivastava investit grâce à une poignée d’applis indiennes (dont Zerodha ou Upstox) et ambitionne de diversifier suffisamment son portefeuille pour être rentier à 45 ans. En Inde, la révolution de l’investissement a été largement favorisée par l’essor des comptes bancaires électroniques, faciles à ouvrir en ligne et qui peuvent détenir des titres financiers, actions ou obligations. Mais un engouement similaire pour les apps de trading se produit dans bien d’autres pays, notamment au Nigeria. Réputée pour son dynamisme, la capitale économique Lagos subit aujourd’hui l’inflation galopante du naira, la monnaie nationale. Conséquence, la jeunesse nigériane s’est ruée vers Trove et Risevest, des applis locales qui permettent d’accéder aux marchés américains, vus comme un moyen de protéger ses économies tant que la situation ne s’améliore pas. «J’ai la possibilité de placer mon argent à la banque, mais chaque mois, cette option devient de moins en moins intéressante», estime ainsi Dahunsi Oyedele, 23 ans. «Parfois, j’investis dans Risevest et j’ai un 1er retour en une semaine». Après la perte de son emploi de journaliste suite à la pandémie, Dahunsi Oyedele a payé pendant quelques mois son loyer en négociant des cryptomonnaies. Et il est loin d’être le seul à s’être tourné vers la spéculation pendant la crise du Covid-19. La combinaison du chômage de masse, des confinements, et pour les plus chanceux d’une épargne sous-utilisée, a créé des vocations dans le monde entier. Rien qu’aux Etats-Unis, plus de 10 millions de nouveaux investisseurs ont investi les marchés au 1S 2021, affirme JMP Securities. Une partie d’entre-eux ont été attirés par le buzz en janvier autour de la chaîne de magasins de jeux vidéo «GameStop», dont le cours s’est envolé lorsque des boursicoteurs sur les réseaux sociaux se sont ligués contre des fonds spéculatifs. Et les nouveaux convertis sont de plus en plus jeunes. L’âge médian des Américains sur Robinhood est de 31 ans; en Inde, Upstox affirme que 80% de ses utilisateurs ont 35 ans ou moins, idem pour l’application nigériane Bamboo (83%). Pour abaisser encore les barrières à l’entrée, ces applications autorisent l’achat de fractions de titres, permettant par exemple de payer une part seulement d’une action Amazon plutôt que le titre en entier (plus de 2.500 euros aujourd’hui). Enfin, certaines proposent de multiplier les profits (et les pertes) via un mécanisme d’effet de levier. Mais si elles démocratisent la finance et promettent bien souvent zéro commission, les apps de trading savonnent aussi la planche des investisseurs inexpérimentés, s’alarment certains experts. Aux Etats-Unis, le gendarme des marchés (la SEC) enquête pour savoir si ces sociétés encouragent les transactions de manière irresponsable, via de multiples relances et en donnant l’impression que l’investissement est un jeu. Son équivalent britannique (la FCA) a prévenu en mars que les jeunes investisseurs, dont beaucoup de femmes et de personnes issues de minorités au Royaume-Uni, avaient le plus à perdre.