Egalité du temps de parole : pour les «petits candidats», une aubaine qui a toutefois ses limites

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«On croule sous les sollicitations»: de Nathalie Arthaud à Nicolas Dupont-Aignan en passant par Jean Lassalle et Philippe Poutou, les candidats à la présidentielle crédités des plus faibles scores dans les sondages sont pendant quinze jours à l’affiche des grands médias. Une aubaine qui a toutefois ses limites. «En l’espace de 48 heures on a eu plus d’invitations qu’en cinq ans», explique-t-on dans l’équipe du candidat du NPA Philippe Poutou, crédité d’entre 0,5% et 1,5% d’intentions de vote. «On est contents qu’on nous propose du temps de parole, mais le contraste est quand même saisissant» avec les cinq années qui ont précédé l’élection. Depuis lundi, pour les deux semaines précédant le premier tour le 10 avril, les chaînes et stations doivent veiller à une stricte égalité entre chaque candidat sur toutes les tranches horaires, sous le regard de l’ARCOM (ex-CSA). De quoi mettre sur un pied d’égalité les douze prétendants à l’Elysée et satisfaire les plus «petits» d’entre eux, comme Jean Lassalle qui avait un moment envisagé de se retirer, estimant être traité comme «un candidat de merde» à cause du peu de visibilité accordée. «Maintenant qu’on a le droit de parole, on va essayer de se faire entendre. On espère pouvoir créer une dynamique», affirme-t-on dans l’équipe de campagne de Nicolas Dupont-Aignan, crédité dans les sondages d’entre 1% et 2%. «C’est leur moment de visibilité», résume le directeur des études politiques de l’institut Kantar Emmanuel Rivière qui émet toutefois des bémols: «l’espace (médiatique) des petits candidats est très limité», par le type de scrutin – «à la fin il n’en reste qu’un» – et «par les questions que les gens se posent: quel est le second tour absolument fâcheux que j’ai envie d’éviter?». Malgré «la fenêtre de tir» apportée aux «petits candidats», l’ensemble des contraintes qui l’accompagnent amènent à «une drôle de situation», selon le directeur de la rédaction de France Info, Jean-Philippe Baille, qui ne sert ni les candidats, ni ne permet aux auditeurs de «s’y retrouver» et de connaître les programmes. «On voit bien que les petits candidats veulent absolument caser tout ce qu’ils ont à dire sans pour autant répondre à nos questions», du fait d’un format «trop restreint» et «trop académique»: «Ils sont dans un tunnel». C’est «un système extrêmement pervers», condamne le sociologue Jean-Marie Charon, où la priorité est «d’abord (de) remplir les cases de manière à tenir les durées exactes». Soumises à ces contraintes, les rédactions ont «d’autant moins de chance de rendre les petits candidats intéressants».Nicolas Dupont-Aignan a, lui, déploré mercredi le raccourcissement à deux semaines de la période d’équité du temps de parole qui était de cinq semaines avant 2016. «C’est vicié», a-t-il accusé sur franceinfo. Dans l’équipe de campagne du NPA, on déplore la «difficulté à imposer de nouveaux visages» et la volonté des médias d’«avoir un ténor». A rebours, Jean-Marie Charon estime que «le problème n’est plus celui de la diffusion mais de la réception», aux temps des ressources d’internet et des réseaux sociaux. Réfléchir en terme de diffusion est «de la paresse intellectuelle», estime-t-il. «Apparemment on donne de l’espace aux petits candidats mais en réalité l’ensemble du système fait que les rédactions sont entravées», explique le sociologue pour qui, «face à des petits candidats», «ce n’est pas une question de temps mais d’avoir la possibilité de faire (un) traitement plus en profondeur». Le principe de stricte égalité «peut avoir des effets pour des candidats moins connus» observe quant à lui le vice-président de l’institut OpinionWay Bruno Jeanbart aux yeux duquel «la mobilisation va se faire très tardivement». «Ces 15 jours peuvent être suffisants pour qu’ils (les petits candidats) en bénéficient», estime-t-il.