Entretien avec Tristan MATTELART, Chercheur au Centre d’étude sur les médias, les technologies et l’internationalisation

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Depuis la fermeture de Megaupload, le piratage audiovisuel semble avoir été freiné dans sa course. Pensez-vous qu’il sera désormais plus facile à stopper?

Tristan MATTELART

Le piratage des contenus audiovisuels constitue depuis des décennies un moyen majeur d’accéder aux produits des industries culturelles. Le piratage est généralement associé exclusivement au téléchargement sans paiement des droits en Amérique du Nord ou en Europe occidentale. Or, le piratage audiovisuel doit être appréhendé dans toute la variété de ses manifestations: des marchands de CDs et DVDs contrefaits de Bogota ou Alger, jusqu’aux politiques de défense des droits de propriété artistique de Washington ou Séoul, en passant par les pratiques des adeptes moscovites des réseaux peer-to-peer. Il sera donc très difficile de stopper réellement le déploiement du piratage dans le monde.

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La mise en place de méthodes répressives pour lutter contre le piratage est-elle la solution ?

Tristan MATTELART

Une politique de lutte contre le piratage qui ne prendrait en compte que des dimensions répressives serait – à mon avis – vouée à l’échec. Pour exemple, les États-Unis, afin de mieux défendre les droits de propriété intellectuelle de leurs entreprises, recourent, avec le Maroc, la Corée du Sud ou encore la Bulgarie, à des accords bilatéraux, assortis de menaces de sanctions commerciales unilatérales en cas de manquement de la part du pays partenaire. Il faut au contraire s’attaquer aux racines du problème qui sont liées (dans les pays du Sud et les anciens pays d’Europe de l’Est) au fait que les populations veulent avoir accès à des produits culturels variés mais qu’ils considèrent comme trop chers. Elles mettent alors en place des tactiques variées afin d’y parvenir. 

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Peut-on monétiser le manque à gagner découlant piratage ?

Tristan MATTELART

Il est difficile d’évaluer avec précision la valeur globale que représente l’activité du piratage audiovisuel. Les rapports publiés par les grandes compagnies américaines de communication indiquent que les pertes se chiffrent en dizaine de milliards de dollars. Le piratage numérique, dont l’essor est fulgurant à ce jour, est d’ailleurs responsable de la majeure partie des pertes économiques des industries créatives.

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A l’avenir, comment le piratage audiovisuel peut-il se développer ?

Tristan MATTELART

De nouvelles technologies permettront d’échanger des fichiers (vidéos ou musicaux) sur le web et de contourner ainsi les tentatives de réglementations déjà mises en place.