Jeux à objets numériques monétisables: l’assemblée nationale peaufine la régulation malgré les inquiétudes de la gauche 

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L’Assemblée nationale a enrichi vendredi le nouveau cadre prévu pour les «Jeux à objets numériques monétisables» (Jonum), à la frontière entre jeux vidéo et jeux d’argent, et pour lesquels la gauche a tenté en vain d’imposer les mêmes restrictions qu’à ces derniers. Les députés ont réécrit le chapitre consacré à ces jeux hybrides dans le projet de loi pour «sécuriser» internet, examiné en première lecture après son adoption au Sénat, en ajoutant notamment des garde-fous pour protéger la jeunesse des risques d’addiction. Le gouvernement souhaitait mettre en place une régulation par ordonnance, mais le Sénat avait retoqué cette possibilité et prévu l’autorisation pour trois ans d’un statut expérimental pour ces Jonum. Les députés y ont ajouté des garanties, invoquant le potentiel addictif de ces jeux comme les dérives redoutées en termes de blanchiment d’argent. Un amendement de la majorité présidentielle a précisé que les casinos en ligne restaient illégaux. D’autres ont prévu que les entreprises Jonum seraient tenues de vérifier l’âge de leurs utilisateurs au moment de l’accès au jeu, sous peine de sanction. L’obligation d’un mécanisme de vérification d’identité a également été ajoutée au moment du retrait des gains, s’il a lieu en dehors de la plateforme. Des amendements de tous bords ont interdit aux Jonum de proposer des «mécanismes de prêts» pour acquérir des objets numériques, comme des accessoires supplémentaires dans certains jeux vidéo. Un amendement Modem prévoit qu’une limite au montant des récompenses attribuées devra être fixée. Des ajouts socialistes ont par ailleurs été votés, précisant que les Jonum ne sont autorisés que pour les majeurs. Mais les députés de gauche auraient souhaité aller plus loin dans l’encadrement. Ils ont tenté en vain d’exclure tout gain «monétisable» ou encore la rémunération en cryptomonnaies. Plus largement, ils ont essayé sans succès d’inscrire que les Jonum devaient être soumis aux mêmes restrictions juridiques que les «jeux d’argent et de hasard». Pour Arthur Delaporte (PS), le cadre prévu peut «presque être considéré» comme une «dérégulation». Les «jeunes des quartiers populaires sont très ciblés par ces mécanismes de paris sportifs ou de jeux spéculatifs», a alerté l’écologiste Aurélien Taché. Aurélien Saintoul (LFI) a accusé le camp présidentiel de vouloir un statut «taillé sur mesure» pour l’entreprise française Sorare «qu’il faut absolument cajoler parce que l’un de ses grands actionnaires se trouve être Xavier Niel». Sophia Chikirou (LFI) a elle aussi évoqué cette plateforme d’échange de cartes virtuelles à collectionner dans l’univers du football, qui peuvent atteindre des valeurs vertigineuses, dénonçant une «pression» et un lobbying envers les députés. Philippe Latombe (MoDem) a lui aussi estimé que l’article adopté sur les Jonum posait un «problème de constitutionnalité» en raison d’une «rupture d’égalité» avec les entreprises de jeux d’argent traditionnels. Les députés ont bouclé dans la soirée l’examen du texte, au terme d’une séance ébranlée par l’attaque au couteau dans un lycée à Arras. L’Assemblée avait suspendu ses travaux en fin de matinée puis observé une minute de silence dans l’après-midi. Le texte fera l’objet d’un «vote solennel» le 17 octobre.