La «Déferlante» débarque jeudi avec l’ambition d’élargir l’offre féministe dans la presse papier

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Mi-revue, mi-livre, le trimestriel «La Déferlante» débarque jeudi avec l’ambition d’élargir l’offre féministe dans la presse papier, très limitée par rapport à l’effervescence dans l’édition, les réseaux sociaux et les podcasts. Poings levés et collages de regards féminins en Une, «La Déferlante», cofondée et dirigée par 4 femmes – Marie Barbier, Lucie Geffroy, Emmanuelle Josse et Marion Pillas – se présente comme «la revue des révolutions féministes». Son but: «donner la parole aux femmes et visibiliser leurs vécus et leurs combats» en prenant parti, écrivent les directrices de la revue dans un manifeste publié dans le 1er numéro de 158 pages. «Nous ne pensons pas que tous les points de vue se valent. Les personnes qui s’en prennent aux femmes, parce qu’elles sont voilées ou trans, par exemple, n’ont pas leur place dans ces pages», tranchent-elles. Au coeur de leur projet éditorial, «l’intersectionnalité» qui dénonce le cumul des discriminations liées au genre, à la race, l’orientation sexuelle, la classe, l’apparence. «Il nous a semblé important de dire très clairement dans quel champ on se situe, par honnêteté» et aussi par nécessité de «situer» les propos, explique la journaliste Lucie Geffroy. Les lecteurs «pourront se faire une opinion de manière beaucoup plus éclairée s’ils savent qui parle et depuis quelle position», d’où une présentation systématique des auteur-e-s d’articles. En têtes d’affiche du 1er trimestriel, de grands noms féministes – l’écrivaine Annie Ernaux, la réalisatrice Céline Sciamma, la poétesse afro-américaine Audre Lorde – mais aussi des écrivain-e-s, intellectuel-le-s et artistes comme Alice Zeniter. La revue joue sur les formats de récits entre BD, chroniques dont l’une est dédiée à des détenues, portfolio, «carte blanche» à une personnalité, entretiens, enquêtes et portraits. Le tout s’articule autour d’un dossier central à thème. «La Déferlante» entend «proposer des clés pour comprendre la société» à un public intéressé par les questions de genre et féministes, indique Lucie Geffroy. Disponible par abonnement, en vente directe, notamment sur son site, et en librairie du fait de son format «mook» – entre livre et revue – «La Déferlante», dépourvue de publicité, compte se financer uniquement par ses ventes. Ses débuts sont prometteurs: la campagne de financement participatif a dépassé les attentes des fondatrices avec 6.000 numéros prévendus, soit plus du double de leurs projections, dont 2.600 abonnements. Quelque 6.000 exemplaires seront distribués dès jeudi en librairie. Ce bon accueil illustre aussi le manque de publications féministes dans la presse papier, uniquement représentées par les magazines bimestriels «Femmes, ici et ailleurs», «Clara magazine» et le mensuel «Causette», seul à bénéficier d’une notoriété grand public. En revanche, sur le web, les formats féministes fleurissent entre sites d’information (50/50 Magazine, Les nouvelles news), lettres d’informations, publications d’associations et collectifs militants, comptes féministes sur les réseaux sociaux. Le succès de certains podcasts («Les couilles sur la table», «Un podcast à soi», «Génération XX», «Quoi de meuf») renforce l’effervescence des débats féministes. «Les jeunes générations sont très féministes, très engagées et il y aurait de la place pour davantage de titres féministes assez radicaux qui aillent bien au-delà de la façon dont la presse féminine survole ces sujets», estime Céline Piques, porte-parole de l’association Osez le féminisme. «La presse féminine est en train de s’enterrer et de rater complètement ce virage», analyse-t-elle. Elle renforce «les stéréotypes sexistes, avec une obsession sur la mode, l’apparence, le maquillage et puis avec parfois, juste un petit article d’actu féministe… mais à petites doses», dépeint la militante.