La présidentielle brésilienne polluée par la désinformation sur les réseaux sociaux

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Bolsonaro a-t-il vraiment été poignardé? Haddad croit-il réellement que chaque enfant est propriété de l’Etat? Les fausses informations sur la présidentielle brésilienne du 7 octobre ont pullulé sur les réseaux sociaux, malgré les efforts des autorités. «C’est prouvé: Jair Bolsonaro a FABRIQUÉ un attentat contre lui-même pour convaincre les indécis», affirme un des nombreux messages publiés sur Facebook après que le candidat d’extrême droite a été poignardé en pleine rue le 6 septembre. D’après une étude de la fondation Getulio Vargas (FGV), cette théorie du complot intitulée «fake facada» (faux coup de poignard) a été répercutée dans les commentaires de 40,5% des propriétaires de comptes Twitter qui ont réagi à cet événement. Favori des sondages pour le premier tour, Jair Bolsonaro a été l’une des cibles de prédilection, mais aucun candidat n’a été épargné. «Dès l’âge de 5 ans, chaque enfant deviendra propriété de l’Etat. Et ce sera à nous de décider s’il sera un garçon ou une fille»: cette déclaration attribuée au candidat de gauche Fernando Haddad a été partagée plus de 150.000 fois sur Facebook avant d’être retirée par le réseau social. La désinformation «est un outil comme un autre du jeu politique, comme les spots de campagne officiels», explique Pedro Burgos, créateur du site Impacto.jor, qui analyse la répercussion d’articles journalistiques sur internet. «Les fausses informations existaient déjà dans les élections par le passé, mais elles ont plus de visibilité à présent avec internet», ajoute-t-il. Même si tous les partis brésiliens ont signé un accord de collaboration avec la justice électorale contre la désinformation, difficile de contrôler le flux de commentaires farfelus qui circulent sur la toile. «La vérification d’informations permet de limiter les dégâts, mais le mal est fait. On peut tout au plus ralentir la dissémination de ces fausses informations, mais elles continuent à être diffusées», déplore Fabricio Benevenuto, qui coordonne un projet de lutte contre la désinformation au sein de l’Université Fédérale de Minas Gerais. Les candidats utilisent souvent les précieuses secondes qui leurs sont attribuées pour les spots de campagne télévisés pour démentir certaines rumeurs. «Non, Ciro Gomes n’a jamais agressé (son ex-épouse, l’actrice) Patricia Pillar», a par exemple assuré l’équipe de campagne de ce candidat de centre gauche. La croisade antidésinformation est menée par une dizaine de groupes de vérification, notamment Comprova, qui réunit une trentaine de grands médias au Brésil. Un combat d’autant plus essentiel que 48% des Brésiliens s’informent sur les candidats sur internet, selon un sondage de l’institut Ibope. Pour Pedro Burgos, les fausses informations ont toutefois «moins d’influence qu’on ne pense», dans le sens où elles «touchent le plus souvent des personnes qui ont déjà choisi leur camp». «La désinformation a surtout pour effet d’exacerber les différences, sans forcément changer les intentions de vote», souligne-t-il. Certains candidats sont victimes de véritables campagnes de désinformation, avec non seulement des textes, mais aussi des photos et des vidéos. «Ces campagnes peuvent être fomentées par de grands groupes économiques, mais aussi par des activistes», explique Fabricio Benevenuto. Les favoris qui émergent des derniers sondages montrent à quel point l’élection est polarisée, avec d’un côté Jair Bolsonaro, ex-capitaine de l’armée qui fait l’apologie de la dictature militaire (1964-1985), défend la libéralisation du port d’arme, et de l’autre Fernando Haddad, qui a remplacé au pied levé l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, incarcéré pour corruption et déclaré inéligible. «Le climat de cette élection est particulièrement délétère: «si tu n’aimes pas mon parti, tu es contre moi»», affirme Pedro Burgos. Pour lui, c’est un facteur de désinformation bien plus important que les «robots», faux profils d’utilisateurs créés pour doper des publications sur les réseaux sociaux.