La tv française expérimente des formats qui prennent le temps

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Un programme de 24 heures à Jérusalem, ou une déambulation de 9 heures dans les rues de Tokyo: la télévision française expérimente des formats qui prennent le temps de l’immersion, une forme de contrepoint face à l’actualité qui va vite. 

Arte a proposé samedi à partir de 6h00 et jusqu’à dimanche 6h00 «24 heures Jérusalem», une plongée au coeur de la ville pour retracer pendant une journée entière, minute par minute, le quotidien de 90 de ses habitants. Ce projet gigantesque, tourné en avril 2013, a mobilisé 70 équipes et 500 personnes, avec au final quelque 500 heures de rushes. Une expérience déjà menée par Arte en 2009 avec Berlin, et que la chaîne a choisi de renouveler, car elle la juge «totalement innovante, assez unique», souligne Alain Le Diberder, directeur des programmes d’Arte. «En une heure, vous avez forcément une problématique, un discours un peu clos, alors qu’en 24 heures, on vagabonde. L’idée, c’est de proposer une immersion comme si on était sur place en se promenant librement», poursuit-il. Pour lui, ce type de programme, qui «montre la vie avec ses replis, ses détours et essaie de percevoir l’atmosphère d’une ville», est «évidemment un contrechamp par rapport à des images d’actualité qui sont très ciblées sur un événement, par rapport à l’information ultra rapide et courte». Alors que les formats courts pour téléspectateurs pressés se multiplient – entre séries courtes type «Nos chers voisins» et mini-sujets d’une ou quelques minutes comme «Alcaline, l’instant» -, et que chaînes d’info en continu et réseaux sociaux inondent le public, certaines chaînes s’efforcent ainsi de chercher des formes nouvelles de télévision qui parient sur la longueur, cassant le rythme des grilles de programmes. «Cette tendance ne peut pas devenir énorme, mais on sent quand même un appétit chez une minorité tout à fait estimable de téléspectateurs d’avoir des formats plus calmes, plus longs», souligne Alain Le Diberder. 

Autre concept pariant sur la durée, quoique très différent et beaucoup plus minimaliste, France 4 a diffusé le 31 mars «Tokyo Reverse», déambulation de 9 heures 10 montrant un homme marchant dans les rues de Tokyo, 1ère expérience de «slow TV» à la française. Caractérisée par sa durée, avec des émissions durant plusieurs heures ou plusieurs jours et des événements filmés dans leur intégralité, la «slow TV» a été initiée par «Sleep» d’Andy Warhol en 1963, montrant un homme en train de dormir pendant plus de 5 heures. Elle est aujourd’hui notamment développée en Norvège, avec un programme qui a montré en 2009 un train roulant pendant 7 heures, et un autre qui a retransmis en 2011 le trajet d’un bateau pendant cinq jours et demi. Avec «Tokyo Reverse», il s’agissait d’une «expérience artistique», avec de la musique improvisée intégrée en direct au programme, mais aussi d’un événement», explique Tiphaine de Raguenel, directrice de l’antenne et des programmes de France 4. Si l’émission est loin d’avoir fait un carton d’audience – elle n’a été vue en moyenne que par 20.000 personnes, soit 0,2% de pda sur l’ensemble de sa durée -, elle a en revanche remporté un grand succès sur les réseaux sociaux, générant 13.000 tweets, ce qui la place dans le top 3 des sujets les plus tweetés sur cette soirée.