L’Iran multiplie les coupures généralisées d’internet pour contrer les manifestations

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L’Iran multiplie les coupures généralisées d’internet pour passer sous silence les manifestations, accusent des défenseurs des droits humains, s’inquiétant notamment de la situation dans la province du Sistan-Baloutchistan. Selon des organisations des droits de l’Homme, au moins 10 personnes ont été tuées lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu le 22 février sur des transporteurs de carburants près de la ville de Saravan dans le Sistan-Baloutchistan, déclenchant des manifestations où les forces de sécurité ont tiré à balles réelles. Mais peu d’informations ont filtré à cause d’une coupure quasi totale de l’internet imposée par les autorités pendant plusieurs jours à compter du 22 février dans cette vaste province, l’une des plus déshéritées du pays et où vit la minorité baloutche, majoritairement sunnite, dans un pays chiite à 90%. Le Sistan-Balouchistan, situé à la frontière avec le Pakistan et l’Afghanistan, a été déstabilisé entre 2005 à 2010 par une rébellion menée par un groupe baloutche sunnite. Les attentats ou les accrochages entre forces de l’ordre et groupes armés y restent fréquents. Les coupures d’internet sont «une mesure que les autorités semblent utiliser comme un moyen de dissimuler des atteintes aux droits de l’Homme et de possibles crimes comme les exécutions extrajudiciaires», ont déclaré dans un communiqué commun Amnesty et les groupes de défense de la liberté d’expression Access Now, Article19 et Miaan Group. Selon ces défenseurs, le but d’une telle coupure poursuit un double objectif: empêcher les citoyens d’utiliser les services d’échanges de messages sur les réseaux sociaux pour mobiliser et coordonner les manifestations, et entraver la collecte d’informations sur tout crime perpétré par les forces de sécurité qui pourrait être utilisé pour mobiliser l’opinion publique. «Cela vise à nuire à la collecte de preuves de violations (filmées notamment) et à leur diffusion, ainsi qu’à la capacité de la population de se mobiliser et de se coordonner», a déclaré Mahsa Alimardani, chercheuse à Article19. En novembre 2019, l’Iran avait bloqué l’accès à internet sur son territoire alors que le pays connaissait des manifestations inédites contre une hausse du prix de l’essence que les autorités avaient violemment réprimées. Les défenseurs des droits de l’Homme craignent que les mêmes stratagèmes soient utilisés alors que se profile cet été une élection présidentielle iranienne potentiellement tendue. Au Sistan-Balouchistan, les autorités ont coupé les services d’internet sur téléphone portable ce qui a de fait coupé l’accès à internet dans cette région où les téléphones représentent plus de 95% de l’utilisation d’internet. Les coupures d’internet ont «fortement restreint la quantité d’informations ayant pu parvenir aux défenseurs des droits de l’Homme émanant de leurs contacts ou de témoins oculaires», a indiqué Mme Bahreini, d’Amnesty. «Les autorités sont pleinement conscientes qu’elles empêchent le monde extérieur d’être au courant de l’ampleur et de la gravité des violations sur le terrain», a estimé Mme Bahreini. Selon la chercheuse, ces coupures d’internet sont devenues «une tendance» en Iran. Le 5 mars, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a condamné ces incidents et s’est dit «profondément préoccupé» par la coupure généralisée d’internet. «Les forces de sécurité ont tué impunément des centaines de manifestants en novembre 2019, et elles le font à nouveau aujourd’hui», a dénoncé Hadi Ghaemi, directeur du Centre pour les droits humains en Iran (CHRI), basé à New York.