Le Miam célèbre l’esprit surréaliste et insolent des Shadoks

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Le Musée International des Arts Modestes (Miam) de Sète (Hérault) célèbre jusqu’au 6 novembre l’esprit surréaliste, poétique et insolent des Shadoks, ridicules volatiles créés peu avant mai 1968 pour la télévision d’Etat par Jacques Rouxel.

Le 29 avril 1968 -à la veille d’un mois de révolte sociale- l’ORTF, alors seule chaîne de la télévision d’État, diffusait le premier épisode du dessin animé avant-gardiste qui déclencha des réactions ulcérées avant de devenir culte. Intitulée «Shadoks! Ga Bu Zo Miam», en référence aux quatre syllabes du langage limité des échassiers loufoques, l’exposition permet de découvrir des documents originaux – dessins préparatoires, plans, storyboards, celluloïds…

Le visiteur est invité à entrer dans le bureau du créateur de ce feuilleton moderniste qui affichait l’objectif absurde de «raconter des choses qui ne veulent rien dire». On y découvre ses influences, le peintre espagnol Joan Miro, l’illustrateur du magazine New Yorker Saul Steinberg ou encore le peintre allemand Paul Klee. Ayant passé son adolescence à New York, Rouxel, né en 1931 et décédé en 2004, s’inspirera également des Comic strips tout en revendiquant la vision du monde et les traits d’esprit d’Alphonse Allais et Alfred Jarry.  Publicitaire diplômé de HEC, Rouxel entre au service de la recherche de l’ORTF en 1965, où il travaillera notamment sur un prototype de machine à dessin animé, l’animographe. Il opte pour un style d’animation limité, en opposition totale avec Disney lorsqu’il imagine «Et voilà le Shadok», série qui met en scène deux peuples – les Shadoks, bêtes et méchants et les Gibis, futés et sympathiques.

Tous deux cherchent, à l’aide d’improbables machines, à quitter leur planète déglinguée pour la Terre où tout semble «mieux marcher». Les premiers ne cessent de «pomper» les seconds. Le Miam diffuse plusieurs épisodes de l’oeuvre controversée, permettant d’entendre à nouveau la voix pointue du comédien Claude Piéplu et la musique stridante, ponctuée de bruitage, de Robert Cohen-Solal.

L’exposition, qui confronte le travail de Rouxel à celui d’artistes contemporains comme Bertrand Lavier ou Henry Ughetto, propose aussi un florilège des aphorismes shadok: «Pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, mieux vaut toujours taper sur les mêmes», «je pompe donc je suis» ou encore le fameux «pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?».

Les tables où sont exposées des missives exaspérées de téléspectateurs sont une étape jubilatoire de la visite, tout comme la diffusion d’extraits du programme quotidien de l’ORTF né de la polémique: «les Français parlent aux Shadoks», présenté par Jean Yanne, sur un ton des plus caustiques. A l’époque, estime-t-il «nombreux étaient ceux qui pouvaient se sentir visés», par la liberté de ton de cet ovni télévisuel, «dans une société encore très traditionnelle, hiérarchisée et conformiste», rappelle l’artiste Hervé Di Rosa, fondateur du Miam.