P. ROGARD (SACD) : «Il y a des tensions qui pèsent sur la création»

450

Pascal ROGARD, Directeur Général de la SACD

Début d’année chargé pour la SACD. La Société des auteurs et compositeurs dramatiques a saisi le CSA pour que CANAL+ se mette en conformité avec ses obligations relatives aux droits d’auteur en 2018. Tour d’horizon des sujets d’actualité avec Pascal ROGARD, Directeur Général de la SACD.

media+

De nombreuses tensions pèsent aujourd’hui sur la création. Comment l’interprétez-vous ? 

Pascal ROGARD

Il y a des tensions, oui. Nous avons un grave contentieux avec CANAL+. Depuis le 1er janvier 2018, ils diffusent sans autorisation et au mépris de la réglementation française, des droits d’auteur. Comme je l’ai expliqué, s’ils ne payent pas, nous saisirons les tribunaux. Par la même occasion, nous avons saisi le CSA. CANAL+ s’assoit sur les droits. Michel Siboni, le responsable qui dirige les opérations du groupe a été nommé directeur de la valeur au sein de Vivendi. C’est ce que l’on appelle un «cost killer» chargé de faire baisser les coûts. Par la même occasion, il considère le droit d’auteur comme une variable d’ajustement. Ils nous demandent de baisser de 20% nos taux pour que le groupe fasse des économies et que Vivendi et ses dirigeants puissent encore plus s’enrichir. A cela, nous avons une réponse très simple, le droit d’auteur, c’est une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation. La gestion du groupe CANAL+ depuis quelques années a conduit à une baisse sensible de ses recettes de 20%. De ce fait, nous répartissons déjà aux auteurs 20% de moins.

media+

Y’a-t-il d’autres tensions qui pèsent sur la création ?

Pascal ROGARD

Les autres tensions sont liées à ce qui se passe dans l’audiovisuel public. Il y a eu la décision du CSA de révoquer Mathieu Gallet de Radio France, et les annonces faites par le gouvernement d’une réforme profonde de l’audiovisuel public. Sachant qu’il y a des incertitudes sur la manière dont va être constituée cette réforme, les créateurs sont inquiets. Toute période de réformes se traduit en général par des blocages dans le processus de financement de la création. Le service public, par rapport à ce que prévoyait son contrat d’objectif et de moyens, se retrouve avec 10 M€ en moins sur ses «obligations patrimoniales» en fiction et documentaire. Ce qui inquiète aussi, c’est la volonté de faire un guichet unique de la fiction. Cela ne va pas forcément dans le sens de la pluralité des interlocuteurs et de la diversité de la création telle qu’elle doit être sur France Télévisions. Il y a actuellement beaucoup d’inquiétudes dans le milieu de la création cinématographique et audiovisuelle. La SACD subit les contrecoup de la chute du chiffre d’affaires de CANAL+. C’est 40 M€ en moins dans le financement de la création.

media+

Vous évoquez des «inquiétudes». Ne sont-elles pas parfois exagérées ?

Pascal ROGARD

L’année dernière, nous avions des inquiétudes avec CANAL+. Nous avons réussi à obtenir le règlement de ce qui nous était dû mais à dix jours d’une échéance devant le tribunal de grande instance de Nanterre. C’est la première fois que de grands groupes audiovisuels se comportent de la sorte. Sur la réforme, au départ, elle inquiète toujours. C’est vrai qu’il y des interrogations sur le financement.

media+

Quelles sont vos relations avec les acteurs de l’internet et de la SVOD ?

Pascal ROGARD

Les opérateurs internet vidéo ainsi que les acteurs de la SVOD se mettent à investir dans la création française. Nous ne rencontrons d’ailleurs aucun problème de droits d’auteurs avec eux. Trois mois après l’arrivée de Netflix en France, nous avions signé un contrat avec eux. De la même manière, nous avons renouvelé notre contrat avec YouTube. Je n’ai pas de problème de rémunération des auteurs avec les sociétés américaines mais juste avec une grande société française, c’est quand même assez paradoxal.