Pakistan : pour contourner les restrictions sur internet, le parti d’Imran Khan innove

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Pour contourner les restrictions d’accès à internet, le parti de l’ex-Premier ministre pakistanais Imran Khan a fait preuve d’imagination lors de la campagne électorale pour les législatives de jeudi, ayant notamment recours à l’IA. M. Khan était en détention lors de la période précédant le début de la campagne électorale et son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), a fait l’objet de sévères restrictions, se voyant notamment interdit d’antenne à la télévision. Selon l’organisation pakistanaise Bytes for All, qui défend la liberté sur internet, l’accès aux réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook, Instagram et YouTube a été coupé 4 fois pendant des heures en janvier, au moment où le PTI diffusait des émissions en direct. Le gouvernement a imputé ces coupures à des «difficultés techniques». En janvier, le principal site internet du PTI a été bloqué et quelques heures plus tard, un duplicata très convaincant de son portail est apparu. Mais il comportait des informations erronées, destinées à semer la confusion chez les électeurs. Ces méthodes ne sont pas nouvelles. M. Khan lui-même y a eu recours lorsqu’il était Premier ministre de 2018 à 2022. Mais pour les militants l’ampleur de la répression est «sans précédent». «La démocratie d’un pays est mise à mal lorsque ses dirigeants empêchent l’opposition d’y participer», a déclaré Alp Toker, directeur de l’ONG spécialisée Netblocks. Les sites internet du PTI ont été bloqués, notamment son portail officiel présentant la liste de tous les candidats. Un site dupliqué avec une adresse internet légèrement différente est apparu quelques heures plus tard, contenant des informations trompeuses sur les candidats. Des membres du PTI ont indiqué que ce faux site a été supprimé, mais que la page internet de leur candidat reste bloquée. En dépit de ces restrictions, le PTI reste très en avance sur ses rivaux dans la capacité à connecter avec les jeunes en utilisant internet, des dizaines de millions de personnes suivant ses émissions en direct. Le parti a également été le 1er à avoir recours à l’IA. En décembre, il a diffusé un discours enflammé depuis sa prison de l’ancien joueur de cricket, âgé de 71 ans, via une reconstitution de sa voix réalisée grâce à l’IA. «Ils ont des applis, des discours en ligne, ils ont fait un TikTok jalsa (rassemblement) ce qui est sans précédent, au moins au Pakistan, ils innovent et cela a toujours été le cas», remarque Ramsha Jahangir, une journaliste spécialisée dans les nouvelles technologies. Les tentatives de censure du gouvernement n’ont que peu d’impact sur la popularité du PTI, le parti étant suffisamment réactif pour continuer à toucher ses électeurs, estime-t-elle. Le directeur de Bytes for All, Shahzad Ahmed, estime que dans un pays où l’âge médian est inférieur à 21 ans et qui compte plus de 70 millions d’utilisateurs des réseaux sociaux, de telles «fermetures sont contre-productives». «Les jeunes sont prompts à trouver des moyens technologiques de contourner ces blocages», affirme-t-il, faisant notamment allusion aux VPN (réseaux privés virtuels). Les candidats indépendants, qui ont peu de moyens et dont la campagne se fait essentiellement à travers les réseaux sociaux, ont également été durement touchés. L’avocat Jibran Nasir, candidat dans la ville portuaire de Karachi, a attaqué le gouvernement en justice au sujet de la coupure des réseaux sociaux, affirmant que c’est un «dangereux précédent» qui enfreint la constitution. «Il s’agit d’une attaque directe contre la liberté d’expression de tous les Pakistanais», a déclaré ce candidat. Les tentatives d’empêcher la présence sur Internet du PTI ne font que renforcer la détermination de ses militants. «Ils imposent ces restrictions, mais ils ne peuvent pas enlever (Khan) de nos coeurs», soutient Malik Noman, 28 ans.