«Plus belle la vie» : 10 ans de succès

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La série phare de France 3 «Plus belle la vie», qui raconte le quotidien d’un quartier de Marseille, fête ses dix ans de succès après 2.600 épisodes tournés dans une logique «industrielle», un cas unique à la télévision française. 

Le 30 août 2004 à 20h15, date du 1er épisode de 26’, France 3 a misé gros en commandant d’emblée 260 épisodes, pour diffusion du lundi au vendredi. Roland, Mirta, Jean-Paul, Wanda et consorts (16 personnages au début, de 14 à 75 ans, puis 25 ensuite) sont chargés de rassembler les générations, d’«attirer un public plus jeune sans faire fuir le plus âgé», a expliqué en 2010 le producteur Hubert Besson. Les 1ers mois, la pda atteint 9% puis à partir de 2006 se hisse à 20% et dépasse les 5 millions de téléspectateurs quotidiens. Un score qu’elle maintient depuis, face aux JT de 20H. 

Exportée dans plusieurs pays, la série, qui a failli s’appeler «Mistral gagnant», compte déjà 2.600 épisodes quand aucune fiction française n’a franchi la barre des 1.000. Selon Jean-Yves Le Naour, auteur de «Plus belle la vie, la boîte à histoires», l’écriture de PBLV répond à une mécanique industrielle» inspirée des techniques américaines. La vingtaine d’auteurs qui compose le pool d’écriture travaille autour de 3 «arches», explique l’expert: l’une court sur 2 mois et forme l’intrigue principale, la 2ème dure 1 semaine ou 2 et parle de faits de société (alcoolisme, racisme, homophobie etc), la dernière, plus légère, apparentée à la comédie, porte sur 1 épisode ou 2. Pas de protagoniste de 1er plan mais une troupe de personnages homogènes qui occupent l’intrigue à tour de rôle. Réalisé à 80% en studio et 20% à l’extérieur, le tournage obéit à une rigueur stakhanoviste: un jour de tournage pour un épisode. Les comédiens, rémunérés entre 300 et 1000 euros par jour (selon une interview du producteur au «Parisien» en 2009), n’ont droit qu’à quelques prises. «C’est de l’industrialisation, on est sur quelque chose de très segmenté», souligne Franck Sémonin, un ancien acteur de la série. Un épisode, qui mobilise jusqu’à 150 personnes, est diffusé 6 semaines après tournage: de quoi coller au quotidien des téléspectateurs. «Quand c’est les élections, c’est aussi les élections dans la série, pareil avec la Coupe du Monde ou Noël», explique Julie, 28 ans, fidèle au poste depuis 2006. 

Avec un budget de 30 millions d’euros par saison selon Jean-Yves Le Naour, soit 115.000 euros par épisode, les décors parfois qualifiés de «carton-pâte» et le jeu des acteurs ne convainquent pas d’emblée, reconnaissent les fans. 

«Au début, je trouvais ça pourri, mais je me demandais «il leur est arrivé quoi depuis?»», sourit Julie. «J’ai fini par les trouver attachants», surenchérit Virginie. L’attachement aux «Mistraliens» – les habitants du quartier fictif du Mistral inspiré du quartier du Panier – et la fréquence quotidienne finissent par l’emporter. «Plus belle» a su se diversifier: soirées spéciales, objets dérivés et invités surprise – la mère de Marion Cotillard et le père de Jean-François Copé y ont tous deux joué. 

Le feuilleton qui prêche pour le «vivre-ensemble» épouse les débats qui agitent la société française: en mai 2013, la série célébrait un mariage gay, 11 jours après la promulgation de la loi. «C’est une émission extraordinaire du point de vue de l’ouverture, elle aborde absolument tous les problèmes», s’enthousiasme Philippe Gavi, 73 ans, cofondateur du journal «Libération».