Quel financement pour l’audiovisuel public à l’avenir?

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Quelques mois après la fin de la redevance, le gouvernement vient de donner des pistes, au moment où l’animateur controversé Cyril Hanouna a relancé le débat sur la privatisation. Pour 2023, l’Etat accorde 3,8 milliards d’euros à l’audiovisuel public, dont 2,4 milliards à France Télévisions, 623 millions à Radio France et 285 millions à France Médias Monde. Pour compenser la suppression l’été dernier de la redevance, cette somme est désormais prélevée sur la TVA. Un mécanisme censé être transitoire, jusqu’à fin 2024, mais qui pourrait durer. «Regardons s’il est possible de pérenniser la solution actuelle (…), qui me paraît un bon équilibre», a déclaré la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, lundi au journal «Le Monde». Pour cela, il faut toutefois s’assurer que ce mécanisme soit compatible avec la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), la «constitution financière» de la France. «Le travail juridique (…) est en cours, nous devrions y voir plus clair prochainement», selon Mme Abdul-Malak. Pour le secteur, un tel mécanisme a un gros avantage: il permet à l’audiovisuel public d’être financé par une enveloppe spécialement affectée, comme l’était la redevance, plutôt qu’être soumis aux aléas budgétaires. Il s’agit d’une «garantie d’indépendance», avait assuré la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, auditionnée le 9 janvier par le régulateur, l’Arcom. Par ailleurs, le financement de l’audiovisuel public fait l’objet d’une mission à l’Assemblée nationale. Parallèlement à ces réflexions, la question a été relancée avec fracas par Cyril Hanouna, puissant et polémique animateur de «Touche pas à mon poste!» sur C8. «Privatisez-moi ça!», a-t-il lancé lundi, estimant que 3,8 milliards, c’était trop. Mardi soir, il a assuré qu’il visait surtout Radio France. Nombre d’observateurs ont vu dans cette attaque une réponse à la ministre. Dans «Le Monde», elle avait laissé entendre que les dérapages de Hanouna pourraient conduire l’Arcom à ne pas renouveler en 2025 l’autorisation d’émettre de C8. Reste que cette charge a choqué. «La société du défouloir», a tweeté mardi la présidente de Radio France, Sibyle Veil. «Soutien à tout l’audiovisuel public», a renchéri mercredi son homologue de France Télévisions, Delphine Ernotte. Cyril Hanouna «sait très bien que les financements publics, ça ne finance pas que France Télévisions: ça finance la création, le sport, le journalisme indépendant…», avait-elle rappelé. Parmi les sociétés de production qui vendent des programmes à France Télévisions, on compte d’ailleurs Banijay, dont Cyril Hanouna est actionnaire. De fait, le financement des entreprises de l’audiovisuel public est conditionné à des engagements fixés par les Contrats d’objectifs et de moyens (COM) qu’elles passent avec l’Etat. Ainsi, les investissements de France Télévisions «dans la création audiovisuelle et cinématographique sont passés de 482 millions d’euros en 2020 à 500 millions d’euros, à la suite du relèvement de son engagement annuel inscrit dans le COM», rappelait l’Arcom dans un rapport début octobre. Toujours dans le cadre des COM, «les sociétés de l’audiovisuel public ont entrepris de stabiliser voire de réduire leur masse salariale, notamment au moyen de plans de départs volontaires». France TV compte 9.000 salariés et Radio France 4.800. Les COM actuels, pour 2020-2022, ont été prolongés en 2023 après la suppression de la redevance. Les prochains seront adoptés cet automne.Les priorités devront être de renforcer «la coopération» entre les différentes entreprises, ainsi que leur «offre numérique», a souligné l’Arcom dans un avis fin novembre. Dans «Le Monde», Mme Abdul-Malak a dit souhaiter que la durée des COM «passe de 3 à 5 ans» pour donner «le plus de visibilité possible aux entreprises de l’audiovisuel public».