Festival Lumière: Ted Kotcheff s’est rappelé au bon souvenir des cinéphiles

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Il y a des films qui résument mal une cinématographie. Auteur du 1er opus de la saga des «Rambo», le réalisateur «culte» Ted Kotcheff s’est rappelé mercredi, au bon souvenir des cinéphiles français à Lyon, où le festival Lumière lui a rendu hommage. Son nom s’est progressivement effacé dans la mémoire du grand public au profit de son plus gros succès commercial, «Rambo» en 1982, avec Sylvester Stallone et ses 125 millions de dollars de recettes dans le monde entier qui allaient inaugurer l’ère du cinéma américain bodybuildé. 

Son dernier film «The Shooter», sur fond d’espions et de guerre froide avec l’acteur suédois Dolph Lundgren dans le rôle principal, n’a pas non plus laissé un souvenir impérissable, et pourtant… Un homme qui cite Tchekhov en interview – «Je ne suis pas le juge de mes personnages mais leur meilleur témoin» -, le philosophe Leibniz a fait du cinéaste Michelangelo Antonioni son mentor, peut-il réellement faire de mauvais films? «C’est un réalisateur dont on entend très peu la voix et la parole», dit de lui Thierry Frémaux, le patron du festival Lumière. «Ses films sont plus célèbres que lui». «Ted est un cinéaste extrêmement modeste. L’histoire du cinéma a laissé beaucoup de gens sur le côté. Il est bon de les ramener à leur juste place», commente Manuel Chiche, producteur français et distributeur de «Réveil dans la terreur» («Wake in Fright» en version originale), l’un des films «culte» de Kotcheff sorti en 1971 et que le public français pourra redécouvrir le 3 décembre en salles dans une version restaurée. Perdu pendant 3 décennies, sauvé in extremis de la destruction (les négatifs ont été récupérés dans un entrepôt de Pittsburgh une semaine avant qu’ils ne soient incinérés), le film qui lors de sa présentation à Cannes avait laissé Martin Scorcese «sans voix», est une plongée suffocante et hallucinée dans le quotidien violent et hyperalcoolisé d’un bled perdu du bush australien. 

Succès critique à défaut d’être un succès public hormis en France, «Réveil dans la terreur» précède de 3 ans «l’Apprentissage de Duddy Kravitz», l’histoire d’un juif canadien tiraillé entre ses aspirations, qui a obtenu l’Ours d’or à Berlin.Ces 2 films ont été présentés cette semaine au public du Festival Lumière de Lyon qui a eu également le droit sur grand écran, à la traque de John Rambo, soldat perdu dans une Amérique traumatisée par les défaites morale et militaire du Vietnam. «Un film bourré de qualités» selon Manuel Chiche et indéniablement le plus grand succès commercial de Kotcheff qui a injustement pâti des suites filmiques qu’Hollywood a imposé et qui ont fait de Stallone – un grand acteur selon Kotcheff – un bestiau belliciste. «Mon 1er film était contre la guerre mais le 2nd («Rambo») célébrait la guerre. C’était n’importe quoi», se lamente le réalisateur canadien qui s’est laissé convaincre de tourner une fin plus heureuse pour le 1er volet («Rambo» devait initialement mourir à la fin du film) mais a refusé de réaliser le 2nd volet de la série. Passé par le théâtre, la télévision, auteur de quelque 18 films, du drame, au thriller en passant par la comédie, Kotcheff a livré la clef d’une filmographie aussi méconnue qu’éclectique.