A. MONIN (Spotify) : « En dix ans, les redevances versées à l’industrie musicale ont été multipliées par dix »

300 millions d’euros reversés aux artistes français en 2024 : une année record pour Spotify. Antoine Monin, Directeur Général Europe de l’Ouest, revient sur les raisons de cette dynamique inédite et les engagements de la plateforme en faveur des artistes.

Avec 300 M€ versés aux artistes français en 2024, Spotify signe une année record. Quelles sont, selon vous, les principales raisons de cette accélération historique ?

2024 a été une année exceptionnelle pour la scène musicale française ainsi que pour Spotify. Depuis 2016, on constate que la musique française, chantée en Français, gagne en popularité, et est désormais incontournable dans les top 50 français, avec un dynamisme fort sur toutes les esthétiques musicales, et l’essor d’une nouvelle classe d’artistes français (comme Jul, Zaho de Sagazan ou bien Theodora, Myd, Tayc). En parallèle, l’export a été facilité grâce au streaming, ce qui permet à de nombreux artistes français de construire également leur carrière hors de nos frontières, et s’ouvrir de nouvelles perspectives. Cette accélération est le résultat d’un travail collectif mené depuis de nombreuses années, couplée à de grands événements sportifs et culturels qui ont permis de mettre un coup de projecteur sur quelques artistes français. La croissance du marché de la musique enregistrée en France (+7,5%) s’est traduite par une hausse de 18% des redevances versées par Spotify, bien au-delà de la dynamique du marché global. Cela marque un tournant pour la scène musicale française !

Deux tiers des revenus générés par les artistes français vont à des indépendants, bien au-delà de la moyenne mondiale. Comment expliquez-vous ce dynamisme spécifique à la France ?

C’est l’un des enseignements les plus marquants du rapport : deux tiers des revenus ont été versés à des artistes ou labels indépendants, contre 50% en moyenne mondiale. Cela s’explique notamment par la richesse du tissu musical indépendant en France, et l’évolution des modèles. De nombreux artistes sont désormais maîtres de leurs propres carrières ; ils s’auto-produisent et gèrent leurs projets de bout en bout en s’appuyant sur un distributeur pour la diffusion en ligne. Il y a plus de souplesse, de possibilités aujourd’hui qu’il n’y en avait auparavant.

Le rapport souligne une progression spectaculaire des revenus pour les artistes féminines françaises. Quelles initiatives concrètes Spotify a-t-il mises en place pour favoriser cette émergence ?

Nous sommes fiers de voir les artistes féminines françaises prendre davantage de place. Leurs écoutes ont progressé de 15% en France par rapport à 2023 et de 90% par rapport à 2020. Spotify met en place diverses initiatives pour favoriser cette dynamique comme le programme EQUAL qui met à l’honneur des talents féminins au sein de playlists dédiées, et elles bénéficient également d’une mise en avant sur nos réseaux sociaux ainsi que d’un soutien marketing. Nous organisons du mentorat et des masterclass pour les jeunes artistes en devenir afin de les aiguiller sur la prise de parole, la négociation, la gestion d’un contrat. Et tout simplement le fait de voir plus d’artistes féminines réussir à cet effet domino qui incite plus de jeunes femmes à se lancer. Mais il reste encore énormément de travail à mener, si ces premiers résultats sont très encourageants, nous sommes encore loin de la parité.

La musique francophone performe de plus en plus à l’international. Quelles actions Spotify mène-t-il pour faire rayonner les artistes français hors des frontières ?

Plusieurs leviers expliquent cette montée en puissance. D’abord, ce sont les artistes eux-mêmes : la France est un vivier de grands talents qui ne demandent qu’à être entendus par le monde entier. Notre rôle est de les aider à passer d’une audience nationale à une visibilité internationale, c’est tout le travail de nos équipes éditoriales notamment. En parallèle, l’accès à la data permet de mieux cibler les audiences dans le monde, de savoir et comprendre quel morceau pourrait plaire à tel endroit, et mieux travailler en lien étroit avec son équipe les tournées, la set list. Les festivals se sont aussi davantage ouverts aux artistes internationaux – en témoigne la présence de nombreux artistes français ces dix dernières années à Coachella à titre d’exemple.

Alors que Spotify reverse plus de 10 milliards de dollars à l’industrie musicale en 2024, quel rôle entendez-vous jouer face aux attentes croissantes de transparence et de rémunération des artistes ?

Nous publions les rapports Loud & Clear précisément pour répondre à cette exigence de transparence — une démarche que seule Spotify entreprend parmi les plateformes. En dix ans, les redevances versées à l’industrie musicale ont été multipliées par dix. Cependant, un effort de pédagogie reste essentiel : Spotify, comme toutes les plateformes, ne rémunère pas directement les artistes. Nous versons des redevances aux ayants droit (labels, éditeurs, distributeurs), qui en redistribuent ensuite une partie aux artistes selon les termes de leurs contrats. Autrement dit, Spotify ne détermine pas la répartition finale de la valeur : celle-ci dépend exclusivement des accords contractuels entre les artistes et leurs partenaires.

Le rapport montre que de plus en plus d’artistes vivent de leur musique via Spotify. Quelles évolutions du modèle économique du streaming imaginez-vous pour mieux accompagner cette professionnalisation ?

Spotify s’inscrit dans une logique d’écosystème. Au-delà du streaming, nous développons des outils pour accompagner les artistes sur tous leurs revenus : merchandising, billetterie de concerts ou encore visibilité locale. L’objectif est clair : leur donner toutes les clés pour vivre de leur musique et de leur passion.

Avec plus de 12 millions d’heures d’écoute par jour en France et 1,4 milliard de playlists créées, comment analysez-vous les usages des auditeurs français aujourd’hui ?

Spotify s’est pleinement ancré dans le quotidien des Français, que ce soit pour accompagner leurs trajets, séances de sport ou moments de détente. Cette intensité d’écoute traduit aussi une grande diversité musicale : du rap à l’électro, de la pop à la variété. Pour répondre à cette appétence culturelle élargie, nous avons récemment lancé l’offre livres audio. En parallèle, nous intensifions notre stratégie podcast, notamment avec l’arrivée des podcasts vidéo.