A l’approche du 2ème anniversaire de l’invasion russe, le documentaire «20 days in Mariupol», bientôt sur France 2

84

A l’approche du 2ème anniversaire de l’invasion russe, le documentaire «20 days in Mariupol», bientôt diffusé en France, retrace l’histoire de la destruction et de l’agonie de la grande ville ukrainienne, une descente aux enfers filmée par le journaliste ukrainien d’Associated Press Mstyslav Chernov. Le film, prix du public au festival Sundance 2023, pré-sélectionné pour les Oscars dans la catégorie documentaire, va être diffusé sur France Télévisions aux alentours de la date anniversaire de l’invasion, le 24 février. «Les guerres commencent par le silence», constate le réalisateur au «jour 1» de l’invasion russe de 2022, alors qu’il rentre en voiture dans Marioupol avec son collègue photographe d’AP, Evgeniy Maloletka. Les deux journalistes ukrainiens savent que le grand port stratégique du sud de l’Ukraine va être une des 1ères cibles de Moscou. Chernov filme les dernières images d’une ville encore «normale», d’un monde qui bientôt n’existera plus. Car déjà, les bombardements commencent. Les journalistes croisent une dame épouvantée qui leur demande ce qu’elle doit faire. Mstyslav Chernov tente de la rassurer, lui dit de rentrer chez elle, «ils ne tirent pas sur les civils». «J’avais tort», dit-il en off. Le quartier de la dame sera bombardé et il la retrouvera quelques jours plus tard dans un gymnase où se sont réfugiées des centaines de familles. Les images sont déchirantes: parmi toutes ces femmes, ces hommes, et ces enfants, impossible de ne pas se demander combien d’entre eux vont mourir. Au 3ème jour, les Russes commencent à encercler Marioupol, un quart des habitants a pris la fuite. Pour ceux qui restent, le carnage a commencé. Une semaine après le début de la guerre, Chernov et Maloletka sont les deux seuls journalistes internationaux restés à Marioupol. Réfugiés à l’hôpital, l’un des derniers endroits encore un peu protégés, ils sont les témoins de l’innommable, la mort d’enfants, la douleur insondable des parents. La caméra de Chernov, toujours respectueuse malgré le chaos, filme les tentatives désespérées de médecins en larmes pour tenter de sauver, en vain, Evangelina, 4 ans. Elle saisit la douleur du père d’Ilya, 16 ans, qui gémit: «mon fils, mon fils chéri», sur le corps de son enfant. «Filmez! Montrez! «exhorte un médecin à bout. La course effrénée des brancardiers, les gens allongés dans les couloirs de l’hôpital pendant que tonnent les bombardements, le sang, la souffrance, les infirmiers qui s’accordent une cigarette. Pour les deux journalistes d’AP, l’obsession devient celle de pouvoir transmettre leurs images au monde extérieur, alors que la ville, encerclée, est coupée du monde. Ils sortent pour trouver du réseau et filmer l’agonie de Marioupol. Des gens au regard hallucinés. Des cadavres dans les rues. «La ville a changé tellement rapidement», décrit Mstyslav Chernov. Le journaliste explique que son cerveau «veut oublier» mais que «la caméra ne le laisse pas faire». Le 9 mars, au 14e jour, la maternité de Marioupol est bombardée. Les images des deux journalistes d’AP ce jour-là sont entrées dans l’histoire de cette guerre comme le symbole des crimes de guerre attribués à la Russie. Lorsqu’ils apprennent que Moscou les accuse d’avoir mis en scène des acteurs, ils partent à la recherche des survivantes de la maternité. Ils apprennent que la mère enceinte, Iryna, dont la photo sur le brancard a fait le tour du monde, est morte, comme son bébé. Leur hantise: prouver au monde que c’est arrivé. C’est pour que les deux journalistes ne tombent pas aux mains des Russes, entrés dans la ville, que les forces spéciales ukrainiennes les exfiltrent dans des conditions extrêmes. Alors qu’il quitte Marioupol dans un convoi de la Croix Rouge, Chernov ne peut s’empêcher de penser à ceux qu’il «abandonne» et à ceux dont «les tragédies ne seront pas connues».