Box office: à la recherche de la formule magique du succès

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«La famille Bélier» s’achemine vers les 4 millions de spectateurs. Une comédie, un sujet fédérateur, des acteurs populaires: des ingrédients présents également dans «Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu» et qui semblent garantir un triomphe au cinéma. Pas si simple, répondent les spécialistes. «Le casting, le thème du récit, le budget sont autant de facteurs entrant dans «la formule du succès». Mais il peut ne pas venir. Ou à l’inverse dépasser les espérances», relève Fabrice Montebello, historien du cinéma à l’université de Lorraine. En 2014, deux comédies («Qu’est ce qu’on a fait…» avec 12 millions d’entrées et «Supercondriaque» avec 5,3 millions) sont arrivées en tête du box-office français. Et trois comédies se classent dans les cinq plus gros succès de tous les temps en France («Bienvenue chez les Ch’tis», «Intouchables», «La grande vadrouille»). Avec souvent des acteurs comiques très populaires: Christian Clavier, Dany Boon, Bourvil… Mais 2013 avait vu plusieurs comédies utilisant la même formule gagnante afficher des résultats décevants, telles que «Turf» ou «Des gens qui s’embrassent». Alors que «Guillaume et les garçons à table» ou «Neuf mois ferme», moins attendues et moins grand public, remportaient l’adhésion populaire. Une réflexion prisée des producteurs: «Si on pouvait prévoir le succès d’un film, on serait tous milliardaires». «A chaque fois, on cherche des explications, des logiques. Mais au contraire, ces films aux entrées bien meilleures que prévu sont une manifestation d’indépendance et de liberté» de la part des spectateurs, déclare Laurent Jullier, historien à Paris III Sorbonne Nouvelle. «Nous, public, ne tenons pas compte des prescriptions (critiques, grosse campagne de promotion)», précise-t-il. Dans la catégorie des comédies, «les véritables cartons sont plus que de la grosse rigolade. Ils ont quelque chose à dire. Ce sont certes des films amusants mais qui suscitent un rire «juste»». «Les Ch’tis» (20,4 millions d’entrées), «Intouchables» (19,5 millions), «Qu’est ce qu’on a fait…» provoquent le rire à partir de préjugés qu’ils retournent, dans une société de plus en plus tolérante, renchérit Fabrice Montebello. «C’est un peu comme si «Les aventures de Rabbi Jacob» (1973) de Gérard Oury, uniques à l’époque, s’étaient généralisées», ajoute-t-il. Une grosse promo ou une bande annonce réussie peuvent assurer de belles entrées la 1ère semaine, mais la fréquentation chute vite si le film déçoit. «Le bouche à oreille, amplifié par les réseaux sociaux, joue énormément», note Frédéric Goldsmith, de l’association des producteurs de cinéma. «Le propre du cinéma, c’est que chaque oeuvre, montage financier, plan de sortie en salles, contexte d’exploitation (concurrence, météo…) est unique», souligne Marc-Olivier Sebbag, de la fédération nationale des cinémas. Même les franchises, qui tentent de reproduire le succès d’un premier film («Taxi», «Pirates des Caraïbes»…), «ne marchent pas à tous les coups», ajoute-t-il. «Ca diminue le risque, mais ça n’annule pas le caractère imprévisible du cinéma». La comédie s’est taillée la part du lion des succès en 2014, mais des films d’auteur, à budgets modestes, ont réalisé des scores bien supérieurs aux attentes: le récit initiatique d’un médecin débutant dans «Hippocrate» (800.000 entrées), la quête d’une nonne polonaise dans «Ida» (500.000) ou un Tombouctou sous la coupe des djihadistes dans «Timbuktu» (300.000). L’année précédente, un documentaire sur 4 enfants dans le monde, «Les chemins de l’école», avait totalisé 1,2 million d’entrées.