«Charlie Hebdo» : la presse et internet ripostent

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A la mort des dessinateurs de «Charlie Hebdo» tués pour leurs croquis satiriques, la presse et internet ont riposté avec d’autres dessins, des images de résistance qui ont fleuri un peu partout dans le monde pour montrer la force de quelques coups de crayon. 

L’attentat contre le journal, qui a fait 12 morts mercredi, a suscité une avalanche de réactions et de commentaires désolés sur les réseaux sociaux. La presse écrite a multiplié les éditos de soutien à l’hebdomadaire satirique. Mais tristesse, révolte et volonté de défendre la liberté d’expression se sont aussi beaucoup exprimé cette fois au travers du dessin. Jeudi, les quotidiens français et étrangers ont bien sûr publié les croquis les plus percutants de Charb, Cabu, Wolinski, Tignous et Honoré, qui ont péri dans l’attaque, ou des Unes irrévérencieuses de l’hebdomadaire. 

Mais beaucoup ont aussi publié des dessins «maison». Le quotidien sportif «L’Equipe» a ainsi remplacé la traditionnelle photo de sa première page par un croquis signé Soulcié, accompagné d’un titre choc : «Liberté – Barbarie 0 à 12». Dessous, des supporters de toutes origines, en bleu blanc rouge, effarés. Le quotidien catholique «La Croix» a choisi pour sa couverture le dessin d’un encrier déversé sur une page où est écrit «liberté d’expression». Au Danemark, la 1ère page du journal «Berlingske» représente une feuille de papier blanche sur laquelle le nom de «Charlie Hebdo» est tracé en noir, entouré des impacts de 12 balles. Toute la Une du quotidien néerlandophone «De Morgen» est occupée par le dessin rouge sur fond blanc d’un terroriste brandissant une kalachnikov, qui s’exclame «Ils sont armés !» face à un personnage hors champ armé d’un simple crayon.  L’un des croquis qui revient le plus dans la presse française et sur la toile est le dernier dessin de Charb, directeur de la publication de «Charlie Hebdo, aux allures prémonitoires: sous l’inscription «Toujours pas d’attentats en France», un homme armé rappelle qu’«on a jusqu’à fin janvier pour présenter ses voeux». Sur la Toile, les dessinateurs français et étrangers se sont aussi précipités sur leurs crayons pour montrer leur refus de toute tentative d’intimidation. Juste après l’attentat, le Brésilien Carlos Latuff, le Soudanais Khalid Albaih, l’Américain Gary Varvel ou le Britannique Matt Britchett ont immédiatement tweeté des esquisses. 

Dans ces croquis, stylos, crayons et pinceaux ont des allures de missiles, pointés vers un ou des hommes cagoulés et lourdement armés. L’un des plus diffusés est celui du Néerlandais Ruben L. Oppenheimer: un avion dans le ciel vole vers 2 crayons plantés comme des tours, référence aux attentats du 11 septembre 2001. Un symbole repris aussi par le Belge Philippe Geluck, qui a ajouté aux pieds des tours-crayons une gomme, un taille-crayons et un encrier. Autre dessin très partagé, qui serait l’oeuvre d’une graphiste, Lucille Clerc: un crayon rouge sous le mot «yesterday» (hier), un crayon cassé sous «today» (aujourd’hui) et en-dessous 2 crayons sous «tomorrow» (demain). Plusieurs, fidèles à l’esprit Charlie, ont pratiqué l’humour noir. «Charlie cherche sa prochaine Une», explique un dessin du Suisse Alex qui montre 4 des dessinateurs tués réunis pour une conférence de rédaction au Ciel. «Une liquidation le jour des soldes, fallait le faire!», propose Cabu. ««On ne craint pas les trous de balles»», suggère Wolinski. L’émotion et la tristesse dominent dans le croquis du Français Jack Koch, également enseignant: «Y a des nouveaux là-bas qui voudraient du papier et des crayons», dit un angelot à Saint-Pierre assis sur un nuage. Lors de la minute de silence qui s’est tenue en France jeudi à midi, beaucoup d’anonymes dans les rues brandissaient un crayon.