Le cinéaste Thomas Cailley dévoile sa 1ère série, «Ad Vitam», au festival Séries Mania de Lille 

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Multirécompensé aux César en 2015 pour «Les Combattants», le cinéaste Thomas Cailley, attraction du festival Séries Mania de Lille où sa première série, «Ad Vitam», sera dévoilée cette semaine, n’a «pas eu l’impression de perdre (son) âme» en passant du 7e Art à la série. «J’ai adoré l’expérience et recommencerai avec plaisir, j’ai travaillé avec le même enthousiasme qu’au cinéma où je retourne bientôt», confie le réalisateur, dont la série est sélectionnée dans les deux compétitions, internationale et nationale, de Séries Mania où les deux premiers épisodes seront projetés en première mondiale jeudi. Conçue pour Arte, «Ad Vitam» est «une vraie série, pas un long métrage caché», ajoute-t-il. Le pitch? «On est dans une société où la mort a été vaincue, où en tout cas, la vie est prolongée indéfiniment. On a trouvé un moyen de régénérer les cellules. Les corps de plusieurs mineurs, qui se sont suicidés vont être retrouvés. Darius, un flic de 120 ans, va enquêter.» Ce policier, incarné par Yvan Attal, va collaborer avec Christa (Garance Marillie), jeune femme désabusée d’une vingtaine d’années internée dans un centre psychiatrique pour avoir elle-même attenté à ses jours. «C’est l’histoire de quelqu’un qui essaie de croire en la vie et quelqu’un qui n’y croit plus, dans un monde où la mort a disparu», résume Thomas Cailley, cocréateur et réalisateur de la série. L’idée a germé quand son coauteur Sébastien Mounier («Trepalium», Arte), avec lequel il souhaitait écrire depuis longtemps, a évoqué «l’éternité promise par les mouvements transhumanistes d’ici une trentaine d’années». «Leur thèse est que l’homme qui vivra mille ans est déjà parmi nous», raconte le réalisateur de 38 ans. Les coauteurs ont creusé ce fantasme d’éternité, «vieux comme le monde», notion qu’il trouve «inquiétante» et qui «change fondamentalement tout». «Si la mort est repoussée à l’envi, il n’y a plus rien à transmettre», explique-t-il, «cela ne sert plus à rien de faire des enfants, de transmettre un patrimoine, une culture, des valeurs et la vie devient très vaine. C’est précisément le thème de la série». Il revendique «le genre SF, mais c’est aussi un polar, auquel s’ajoutent une dimension chronique, de la comédie et parfois même du fantastique». «Les Combattants», son long-métrage audacieux récompensé en 2015 par trois César (premier film, meilleure actrice pour Adèle Haenel, meilleur espoir pour Kévin Azaïs), était déjà «au carrefour des genres», rappelle-t-il. Les deux auteurs se sont avant toute chose concentrés sur l’élaboration des personnages, de façon à situer la narration «absolument dans leur point de vue et le vécu de leur expérience». Ils n’ont rien structuré avant d’avoir déterminé «ce qui allait se nouer pour eux et entre eux, en dehors de toute considération ayant trait à l’enquête et au reste du monde». Le casting des «95 personnage a duré six longs mois» pour trouver «le paysage humain capable d’exprimer un truc équilibré entre réalisme pur et abstraction».

Avec treize semaines de tournage seulement, «on a moins le temps de chercher qu’au cinéma, il faut trouver», reconnaît Thomas Cailley. Ne faisant «jamais de concession» sur les décors, il assume «de ne pas être raisonnable»: «Nous en avons plus d’une centaine, très peu sont artificiels», conférant à la série une «dimension de film d’aventure» à laquelle il «tient beaucoup». Avec ce parti pris: on ne sait ni dans quelle époque l’histoire évolue ni où. «Des détails révèlent que ce n’est pas notre monde», précise-t-il. «Pour que la fable fonctionne, elle ne doit pas être ancrée dans le réel».