Claude Sarraute, l’anticonformiste pilier des émissions de Laurent Ruquier

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Journaliste et romancière, Claude Sarraute, décédée dans la nuit de lundi à mardi à 95 ans, a longtemps tenu le rôle de la vieille dame indigne, faussement ingénue, des plateaux télé dans les émissions de Laurent Ruquier. Pilier de «la bande à Ruquier», elle est intervenue, entre autres, sur Europe 1 («On va s’gêner»), France 2 («On a tout essayé») ou France Inter («Rien à cirer»). Elle a aussi fait partie de l’équipe des «Grosses têtes» sur RTL, autour de Philippe Bouvard, puis, à partir de 2014, de Ruquier, imposant son sens du burlesque et gérant sans trop de difficultés le machisme triomphant de quelques collègues.

Légère, rieuse, anticonformiste, capable de traits d’esprit et aussi de coups de griffe, Claude Sarraute était l’épouse du philosophe, essayiste et journaliste, l’académicien Jean-François Revel, mort en 2006. Ils s’étaient mariés en 1967: «Mon côté enfant attardé et irresponsable devait le distraire. J’étais sa plus fidèle groupie. Il savait tout, je ne savais rien», disait-elle de lui, exagérant son inculture et sa naïveté. Elle avait auparavant connu deux divorces. Elle nait le 24 juillet 1927 à Paris, fille aînée d’une des grandes écrivaines du 20e siècle, Nathalie Sarraute (1900-1999), et de l’avocat Raymond Sarraute.  L’environnement intellectuel et sérieux dans lequel elle a grandi ne l’a pas empêché d’avoir le goût du rire.  «J’ai fait rire ma mère jusqu’à 99 ans. J’étais d’une gaieté indélébile. Avec une femme pareille, c’était ma seule chance de m’en sortir, non ? (…). Nous comparer, c’est comparer «A la recherche du temps perdu» et «Pif le Chien». Pour elle, ce qui comptait, c’est que je travaillais dans un journal comme «Le Monde»», notait-elle à «Libération». Licenciée d’anglais, elle fait un peu de théâtre avant de se lancer dans le journalisme, collaborant au «Sunday Express». En 1952, elle commence à écrire au «Monde». Elle y restera 35 ans, à la rubrique «Spectacles» puis «Télévision» et enfin en signant un billet insolent en dernière page, intitulé «Sur le vif» (chroniques réunies dans le recueil «Dites donc !»). Elle rejoint, au début des années 90, «la bande à Ruquier».

A l’inverse de beaucoup de femmes de son âge, elle ne cherchait pas à se rajeunir: «J’ai tout plein de rides mais ce n’est pas un problème» pour passer à la télé, assurait-elle en disant lutter «contre le jeunisme et le racisme antivieux». Elle ajoutait avec malice que «son âge, c’est son fonds de commerce». Claude Sarraute a longtemps tenu une chronique à «Psychologies magazine» et a écrit plusieurs romans, qu’elle qualifiait de «clowneries», comme pour s’excuser de ne pas être au niveau de sa mère. Parmi ses livres, figurent «Allô, Lolotte, c’est Coco», «Ah ! l’amour, toujours l’amour», «Sarraute, la nana de l’année», «Papa qui ?», «Dis, est-ce que tu m’aimes ?», «Dis voir, Maminette…» ou «Belle belle belle». Ignorant le vouvoiement, elle écrivait en style parlé, prônant une futilité qui visait à dire l’essentiel.

Claude Sarraute, qui se voyait vivre aussi longtemps que sa mère tant admirée, disait en 2014: «Sur le plan physique, tout va bien… Les ennuis de santé, on a eu le temps de s’y habituer ! Et merci aussi les progrès de la médecine ! A mon âge, on est rafistolé pour tenir le plus longtemps possible». Mère de quatre enfants (dont une fille adoptée), elle a joué, à presque 80 ans, dans le film de Catherine Breillat, «Une vieille maîtresse»(2007). Elle est notamment la mère du journaliste sportif Martin Tzara et de Nicolas Revel, à la tête de l’AP-HP.