D. ASSOULINE : «Les chaînes en clair se bornent à une offre d’images sportives relativement limitée»

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David ASSOULINE, Sénateur de Paris, en charge du rapport «Le sport à la télévision» 

Dans le cadre de la remise du rapport «Le sport à la télévision : pour l’accès du plus grand nombre, pour la diversité des pratiques et des disciplines exposées», au Ministère de la Culture et de la Communication, média+ s’est entretenu David ASSOULINE, Sénateur de Paris, en charge du rapport.

média+ : Quel état des lieux dressez-vous de la diffusion du sport la télévision ?

David ASSOULINE : Tout d’abord, j’ai été chargé par le Premier Ministre d’une mission ayant pour objet les préconisations susceptibles d’améliorer l’accès du public à la diffusion d’événements sportifs d’importance majeure et le renforcement médiatique de disciplines sportives ou de pratiques émergentes. Je constate que la diffusion du sport pour le plus grand nombre se rétrécit indubitablement. Pour accéder à des compétitions sportives à la TV, il faut souscrire des bouquets de chaînes comme CANAL+, beIN SPORTS, SFR, Eurosport. Cette tendance va encore se renforcer dans les mois à venir puisque les retransmissions sportives les plus attractives sont aujourd’hui, pour une part essentielle, réservées à la minorité des foyers qui sont abonnés à des bouquets  premium  payants. C’est pourquoi, si on ne prend pas garde, des disciplines qui paraissent accessibles à tout le monde comme «Roland Garros», ou le «Tour de France», pourraient échapper complètement à une diffusion grand public. Deuxièmement, les chaînes en clair, qui sont pour une grande partie des Français le seul mode d’accès aux programmes de télévision, se bornent à une offre d’images sportives relativement limitée. Seulement 5% des heures de sport diffusées à la TV française en 2015 l’ont été sur des chaînes gratuites, cette offre étant, au demeurant, surtout assurée par les chaînes du service public. 

média+ : Typiquement, les sports moins mis en avant sont généralement ceux qui générèrent le moins d’audience…

David ASSOULINE : Si les disciplines ne sont pas valorisées, les téléspectateurs ne seront pas éduqués à vouloir les voir. Il faut un équilibre. La médiatisation permet d’encourager la pratique des sports dans leur variété. 75% des heures de retransmissions sportives sur les chaînes en clair en 2015 se sont concentrées sur 9 disciplines sportives dominantes (21% pour le seul football). Le sport féminin n’a représenté que 13,8% des heures de retransmission en clair en 2015. L’offre n’est pas à la hauteur de ce que l’on constate comme potentiel d’audimat. Quant au sport paralympique, il est totalement invisible sur les chaînes en dehors des rendez-vous périodiques que constituent les championnats du monde d’athlétisme handisport et les Jeux paralympiques d’été et d’hiver. La diffusion par France Télévisions des récents Jeux paralympique a marqué un changement de la vision de l’handisport auprès des Français.

Quelle est votre préconisation pour un renforcement de l’exposition du sport en clair ?

David ASSOULINE : Nous avons préconisé de renforcer l’efficacité de la réglementation concernant les évènements d’intérêt majeur. Il ne doit pas y avoir d’inégalité manifeste entre des téléspectateurs qui payent pour un bouquet payant, et des Français qui ne s’acquittent que d’une redevance. Sur les événements d’intérêts majeurs, l’idée est de pouvoir augmenter la liste, les diversifier et ne plus distinguer les sports féminins et masculins. Quand l’Equipe de France est en compétition, on doit tous pouvoir les voir en clair.

Sur le sport, la bataille entre chaînes en clair et chaînes payantes va-t-elle se poursuivre ?

Oui, ça va se poursuivre. Les prix des droits de retransmission TV des événements sportifs les plus attractifs ont connu une véritable envolée ces dernières années. Couplée à des coûts de production  des  retransmissions rendant le plus souvent illusoire leur couverture par les recettes publicitaires, cette évolution installe progressivement un partage des territoires télévisuels payant / gratuit préjudiciable au plus grand nombre. A un moment donné, les chaînes payantes vont se rendre compte qu’il est un peu compliqué pour elle de payer si cher. J’espère que l’irrationalité va cesser. Personne n’a intérêt à ce que le système explose.