Données piratées: le site d’information Reflets poursuivi par Altice ne peut pas publier d’autres articles

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Le site d’information Reflets, poursuivi par le groupe Altice pour avoir publié des articles fondés sur des documents volés par des pirates informatiques, peut les laisser en ligne mais n’a pas le droit d’en faire paraître d’autres, a estimé jeudi le tribunal de commerce de Nanterre.

Dans son ordonnance, le tribunal juge que la suppression des articles déjà parus n’est pas justifiée, car Reflets n’est pas l’auteur du piratage et parce qu’ils ne violent pas le secret des affaires. Ces articles, qui ne divulguent pas de détails sur les sociétés d’Altice, évoquent le train de vie de Patrick Drahi, notamment ses déplacements en jet privé. En revanche, estime le tribunal, l’éventualité de nouvelles publications «fait peser une menace» sur Altice. Une menace liée, selon lui, à «l’incertitude du contenu des parutions à venir qui pourraient révéler des informations relevant du secret des affaires». Par conséquent, «nous ordonnons à la société Rebuild.sh [éditrice de Reflets] de ne pas publier sur le site de son journal en ligne «reflets.info» de nouvelles informations» fondées sur ces données piratées, conclut le tribunal, sans pour autant fixer d’astreinte (somme à payer au cas où Reflets passerait outre). «Nous ne sommes pas censurés sur le passé… mais sur l’avenir!», a protesté Reflets sur son site, en dénonçant une «procédure bâillon». «Nous allons faire appel. Pour nous-mêmes, mais aussi pour toute la profession», a par ailleurs annoncé le journal sur Twitter. «C’est une censure a priori, une interdiction à caractère général et absolu», a déploré l’avocate de Reflets, Me Lorraine Gay, en pointant du doigt «l’imprécision» du tribunal sur les informations que le site n’a pas le droit de publier.

Reflets et sa société éditrice sont en outre condamnés à payer à Altice un total de 4.500 euros pour les frais de justice. Le groupe du milliardaire Patrick Drahi avait saisi le tribunal de commerce de Nanterre en urgence (référé) et l’audience avait eu lieu le 27 septembre.

Altice demandait le retrait de quatre articles publiés par Reflets en septembre et s’appuyant sur des documents internes piratés puis mis en ligne en août par le groupe de hackers Hive sur le «darknet» (partie d’internet non référencée par les navigateurs classiques). Dans son ordonnance, le tribunal souligne que Reflets «n’est pas l’auteur du piratage informatique subi par les sociétés du groupe Altice» et qu’il n’y a pas de «violation évidente du secret des affaires» dans les articles déjà publiés. Il écarte donc le «trouble manifestement illicite», motif qui aurait pu justifier leur suppression.En revanche, il estime qu’il y a un «dommage imminent» envers Altice car Reflets entend «poursuivre les publications d’informations» piratées par Hive.

A l’audience, Reflets avait fait valoir que ces informations relevaient d’un «débat d’intérêt général» et de la «liberté d’informer». «Il ne relève pas de la compétence du président du tribunal de commerce statuant en référé de se prononcer sur une éventuelle atteinte à la liberté d’expression qui nécessite ici un débat de fond», a répliqué le tribunal. Selon lui, sa décision se borne «à faire cesser un dommage imminent, résultant d’une menace avérée».