Edwy PLENEL (Mediapart) : «Le payant est le seul avenir pour la presse d’information de qualité»

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Edwy PLENEL, Co-fondateur de Mediapart

Hier matin, Mediapart organisait une conférence de presse. Le journal dressait le bilan de 8 ans d’existence. L’occasion de nous entretenir avec Edwy PLENEL, co-fondateur de Mediapart qui évoque à la fois la santé de son média, ses ambitions ainsi que ses développements à venir.

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Mediapart s’impose dans la presse payante depuis 8 ans. Est-ce un modèle pérenne ?

Edwy PLENEL

Pour nous, c’est le seul avenir pour une presse d’information de qualité au service du droit de savoir des lecteurs. Le modèle du tout gratuit et du tout publicitaire est celui du divertissement, et non celui de l’information. Mediapart défend la valeur de l’information, la tradition de notre métier tel que nous le faisions sur le papier mais en le réinventant sur le numérique avec le seul soutien des lecteurs. On ne touche pas de subventions publiques. Nous n’avons ni mécènes ni publicités. Le journal vit uniquement des abonnements. En 2015, nous avons comptabilisé 118.099 abonnés. Mediapart emploie 65 salariés en CDI dont 39 journalistes. De nouvelles embauches sont à prévoir en 2016.

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Des journaux comme «El País» ou «The Independent» vont passer au tout numérique. Qu’en pensez-vous ?

Edwy PLENEL

Ce ne sont pas les premiers ! Cela arrivera aussi en France pour «la vieille presse». En revanche, il existe une ambiguïté dans notre pays avec des propriétaires de médias en relation avec la puissance publique. Après la Présidentielle, quotidiens et hebdomadaires d’information générale débatteront pour abandonner ou pas le papier. La révolution technologique permet de supprimer trois coûts : le papier, l’impression et la distribution. Vous retirez ainsi 60 à 70% de ce que paye le lecteur quand il achète un journal papier. La révolution technologique a de l’avenir. Nous devons nous battre pour qu’elle ne soit pas synonyme d’abaissement, de flux continu superficiel et d’infotainment. Si Mediapart peut aider la profession, c’est en montrant que l’entreprise est une réussite qui permet de faire du meilleur journalisme en construisant une nouvelle relation de confiance avec les lecteurs.

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Quelle est l’ambition audiovisuelle de Mediapart ?

Edwy PLENEL

Médiapart qui était au départ un journal d’écrits devient un support de photoreportages, de sons mais aussi de vidéos et d’événements «live» qui se multiplient. Nous avons d’ailleurs des projets ambitieux sur ce terrain qui se concrétiseront dès l’automne prochain durant la campagne Présidentielle.

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Votre conflit sur la TVA est-il, selon vous, une réponse du ministère des finances pour vous faire payer l’affaire Cahuzac ?

Edwy PLENEL

Nous en sommes convaincus au vu du contexte de cette affaire, de sa chronologie et de l’ensemble des protagonistes que nous avons pu rencontrer. Nos interlocuteurs «normaux» de l’administration fiscale, à l’image de notre inspecteur des impôts, ne nous ont jamais dit que nous étions en infraction. Pour nous, il y a une arrière-pensée évidente de la haute administration et des cabinets ministériels qui ont accompagné le mensonge de Monsieur Cahuzac. Le contrôle fiscal qui nous est tombé dessus en 2013 est illégitime. Selon le principe de neutralité des supports (papier ou numérique) instauré en 2009, Mediapart appliquait le taux de TVA à 2,1% dévolu à la presse. En 2013, le fisc a ouvert un contentieux voulant nous imposer rétroactivement une TVA à 19,9%. Bien que nous portions ce litige devant le tribunal administratif, nous avons dû payer 2,4 M€ au fisc et provisionner dans nos comptes un total de 4,7 M€.