Japon : les candidats vont avoir le droit de faire campagne en ligne

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Pour la 1ère fois au Japon des candidats vont avoir le droit de faire campagne en ligne, et ce à l’occasion des sénatoriales du 21 juillet. Les prestataires de cyberservices se frottent les mains et les partis draguent déjà l’électorat jeune. «Chouette, les élections en ligne commencent. Allez voter!», s’est exclamé mercredi sur Twitter le patron de la galerie marchande virtuelle Rakuten, Hiroshi Mikitani, un de ceux qui militent depuis des années pour qu’enfin le Japon se mette à l’unisson des autres nations démocratiques. Lors des précédentes campagnes nationales ou régionales, les sites internet, les blogs, les comptes Twitter ou Facebook des partis et de leurs candidats se figeaient deux semaines avant le vote. Les politiciens en étaient réduits à sillonner les villes à bord de camionnettes bardées de hauts-parleurs, à s’époumoner devant les gares et centres commerciaux juchés sur le toit du véhicule, et à distribuer des tracts dans les rues. Ce cirque électoral va certes continuer, mais couplé à une campagne virtuelle.  Grand adepte de Facebook, le Premier ministre de droite Shinzo Abe s’est employé dès son retour au pouvoir en décembre dernier à faire adopter une loi pour que les prochaines sénatoriales puissent aussi se jouer en ligne. Ce scrutin est crucial pour son Parti Libéral-Démocrate (PLD) actuellement en butte à une opposition, certes éparpillée, mais majoritaire à la chambre haute.  A la mi-juin, toutes les formations politiques avaient soutenu la levée de l’interdit qui ringardisait le Japon. Les prestataires de services en ligne attendaient avec impatience ce moment: jusqu’à présent, ce sont les imprimeurs d’affiches, tracts et banderoles qui raflaient la mise (près de 50 000 euros par campagne et par candidat). Désormais ces derniers vont devoir compter avec les agences de pub en ligne, les sociétés de suivi de contributions sur les sites sociaux ou de plates-formes multimédias. Tous font déjà leurs comptes: le budget internet d’un parlementaire pourrait atteindre 38 000 euros. Sept firmes vedettes, dont Twitter Japan, le prestataire d’applications ludiques Gree, les sites de diffusion de vidéos Ustream et Nico Nico Douga ainsi que le réseau social Line, se sont ainsi associées pour cibler les jeunes durant cette campagne sur le net, lorgnant sur les retombées publicitaires. La société Gaiax, elle, propose aux candidats un suivi 24H/24 des contributions postées en ligne sur eux, un rôle-clef dans la gestion, la maîtrise et la réussite d’une campagne en ligne. Les fournisseurs de systèmes de sécurité sont aussi de la partie pour rassurer les têtes d’affiches qui craignent rien tant que les piratages.  «Facebook, Twitter et les autres sites de contributions publiques seront sans doute au coeur de la campagne, mais ce monde est aussi celui de l’imprévisible», prévient toutefois Kodai Kawase, un responsable de Gaiax. Il faut s’attendre à ce que les révélations, dénonciations et calomnies fusent, ce qu’auront bien du mal à contrôler ou réprimander les autorités tant la culture du Net nippon est aussi parfois celle de l’anonymat intégral, avec des sites-forums comme 2-Channel où tout le monde poste sous le pseudonyme «M. sans nom». «Les candidats doivent comprendre les règles et risques d’internet», insiste M. Kawase. Reste que la puissance gagnée par les sites internet face au média-roi, la télévision, se voit déjà. Hier jugée indétrônable, la chaîne publique NHK s’est par exemple vue obligée cette semaine de reprendre des images exclusives du site de programmes vidéo Nico Nico Douga qui a réussi à avoir sur le même plateau tous les chefs de partis en lice, M. Abe compris.