Les JT font la course à l’innovation sur fond de concurrence toujours plus vive pour attirer les téléspectateurs

853

Un plateau géant, davantage de 3D et des reporters mis en scène : les JT font la course à l’innovation sur fond de concurrence toujours plus vive pour attirer les téléspectateurs. Sur France 2, Anne-Sophie Lapix présente son journal en partie debout, naviguant entre un journaliste et un expert sur le plateau gigantesque, aux murs couverts d’écrans. Avec sa nouvelle formule et sa nouvelle présentatrice, le 20H de France 2 s’est rapproché en septembre des scores de TF1, attirant 5 millions de téléspectateurs contre 5,6 millions de téléspectateurs pour la Une. Alors que l’audience des quatre chaînes d’information françaises progresse, que les applications d’info en continu conquièrent les portables, les téléspectateurs arrivent de plus en plus informés à 19h58, au début du JT. A charge des JT de leur proposer «autre chose», souligne Yannick Letranchant, le directeur de l’information de France Télévisions. «Au fil des ans, on est passé d’un 20h qui était le résumé des nouvelles du jour à un journal qui va plus loin», souligne Yannick Letranchant. Le JT est notamment «devenu un rendez-vous plus séquencé et donc plus produit. La technique (grands écrans tactiles, réalité augmentée) nous a permis d’appuyer le fond», explique Yannick Letranchant. Du côté de TF1, «le journal est toujours à recherche d’une narration plus pointue», souligne Jean-Michel Floquet, directeur adjoint de l’information de la chaîne, qui réfléchit à une «nouvelle mise en scène» du JT. Sur les deux chaînes, les journaux mettent en scène de plus en plus souvent leurs journalistes sur leur lieu de reportage ou en plateau, comme le font les chaînes d’information en continu. Mais avec beaucoup plus de moyens pour une trentaine de minutes d’émission. «L’incarnation aide le téléspectateur à rentrer dans l’histoire, elle permet aussi de valoriser le travail de nos journalistes, de nos experts», explique Jean-Michel Floquet. L’actualité plus chaude garde une place de choix dans les JT. Au cours de l’année 2016, marquée notamment par des attaques terroristes à Nice, en Allemagne et en Belgique, le terrorisme a été de loin le thème le plus abordé dans les JT (10,6% de l’offre globale d’information), devant la crise migratoire et la loi travail. Les jours d’actualité plus tranquille, les rubriques «magazine» (société, culture, consommation) prennent cependant de plus en plus de place, tempère Claire Blandin, professeur en sciences de l’information à l’université Paris 13. «On assiste à un éclatement des sources d’information, mais le JT reste important symboliquement», analyse Claire Blandin. La chercheuse souligne que le public des JT est plutôt âgé. «C’est un rendez-vous incontournable pour les plus de 55 ans. Pour les autres, le JT reste surtout une référence en cas d’événement majeur (élections, attentat, catastrophe)». Dans un JT, «le public vient voir aussi un présentateur, qui a rendez-vous avec lui», souligne Yannick Letranchant. «Ça crée un lien social, presque physique, on rentre chez les gens. Il peut vous prendre par la main. C’est un passeur, un éclaireur, qui va donner des clés de compréhension». «On disait déjà il y a quarante ans que la grand-messe était finie», souligne Bruno Masure, qui a joué l’homme-tronc pendant 13 ans sur TF1 puis France 2. «Mais les JT ne sont ni meilleurs ni pires qu’avant: on impose une hiérarchie de l’info à des spectateurs passifs». Selon l’ex-présentateur, c’est la «mesure de l’audience minute par minute» qui est «perverse». «Elle est la grande angoisse des rédacteurs en chef», souligne Bruno Masure. «La tentation peut être de ne mettre à l’antenne que des sujets qui ne vont pas faire fuir le téléspectateur: on ne va pas démarrer sur la réforme du FMI».