K. DUSFOUR (NousRealisatricesDocs) : «Plus les films disposent de budgets conséquents, moins ils sont confiés à des réalisatrices»

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NousRéalisatricesDocs rassemble désormais plus de 260 documentaristes du cinéma et de l’audiovisuel. L’occasion pour media+ de dresser un premier bilan avec Virginie LINHART et Karine DUSFOUR, initiatrices du collectif NousRealisatricesDocs.

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Depuis le Sunny Side of the Doc, comment a évolué le collectif NousRealisatricesDocs ?
Virginie LINHART

Lors du dernier festival du Sunny Side of the Doc à la Rochelle en juin 2024, nous avons annoncé la création de notre collectif NousRéalisatricesDocs, qui regroupe désormais 260 documentaristes du cinéma et de l’audiovisuel. Entre fin juin et fin novembre, en moins de 6 mois, avoir autant de réalisatrices qui nous ont rejointes est la preuve d’un besoin collectif de se regrouper pour se renforcer et s’entraider. Dans un premier temps, nous nous sommes concentrées sur l’organisation pratique du collectif. En tant que co-initiatrices, nous avons multiplié les contacts pour faire connaître le collectif et ses objectifs. Notre ambition est de compter dans les réflexions stratégiques à venir et d’apporter notre regard afin de faire évoluer la question de la parité dans le champ du documentaire.

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Lors d’une réunion, 5 marraines ont témoigné. Qu’en retenez-vous ?
Karine DUSFOUR

Simon Bitton, Claire Simon, Mariana Otero, Cécile Delarue et Emilie Brisavoine ont eu la gentillesse de nous offrir les extraits de leurs prochains documentaires, encore inédits ou qui ont fait date dans l’histoire du documentaire : «1001 jours avec Hadjj» (Simone Bitton), «Apprendre» (Claire Simon), «Histoire d´un secret» (Mariana Otero), «Les Scandaleuses» (Cécile Delarue), «Maman déchire» (Émilie Brisavoine). La variété des écritures, des regards et des images est forte et fertile. Les interventions des marraines ont été galvanisantes. Elles appartiennent à des générations différentes et quatre d’entre elles témoignent avoir vécu des discriminations sexistes. Nous allons proposer au collectif la mise en place des ateliers suivants : «Ripostes au sexisme», «Lutte contre les violences et harcèlement sexistes et sexuels», «Documentaires sur grand écran», «Parité dans l’audiovisuel», «Visibilité des femmes documentaristes» et un atelier «Création expérimentale».

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De votre côté, quel premier bilan tirez-vous de vos rencontres avec des acteurs comme l’Arcom, le CNC ou encore France Télévisions ?
Virginie LINHART

Nous sommes satisfaites de ces rencontres, nous avons été écoutées avec attention et considération. C’est une première étape positive, il est trop tôt pour en tirer un bilan concret. Nous attendons des diffuseurs-distributeurs de films et des producteurs qu´ils œuvrent dans plusieurs directions, afin d’assurer une meilleure parité dans le monde du documentaire. Nous constatons que plus les films disposent de budgets conséquents, moins ils sont confiés à des réalisatrices. Nous notons que la plupart des primes times sont attribués à des réalisateurs. Nous remarquons que les réalisatrices sont très minoritaires dans le champ des films historiques, des documentaires scientifiques et des films de découverte, qui sont d’ailleurs des films chers à produire. Enfin, nous pensons qu’il est grand temps d’obtenir des garanties de salaires équivalents à ceux des réalisateurs.

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Quelle est la place aujourd’hui des femmes à la réalisation de documentaires?
Karine DUSFOUR

Le documentaire unitaire reste un bastion masculin avec 57% d’œuvres entièrement masculines, même si les femmes ont progressé de façon infinitésimale (+1point par rapport à 2020). On constate en revanche une légère progression d’œuvres féminines dans les reportages d’investigation (+4 points) et les séries (+5 points), malgré des chiffres qui restent très modestes. En revanche, les femmes sont toujours les plus nombreuses (66%) dans la traduction audiovisuelle, mais avec 3 points de moins. Nous constatons aussi que sur 172 films documentaires diffusés par France Télévisions et Arte, 97 sont réalisés par des hommes, 53 par des femmes et 22 en coréalisation mixte.