Lanceurs d’alerte: les sénateurs détricotent le texte, les associations inquiètes

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Les sénateurs ont sensiblement modifié en commission la proposition de loi «visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte», adoptée il y a un mois par les députés, un détricotage qualifié jeudi de «dynamitage» par l’organisation Transparency international France. 

Examiné mercredi en commission, le texte sera débattu les 19 et 20 janvier en première lecture dans l’hémicycle du Sénat dominé par l’opposition de droite. Travaillée avec le ministère de la Justice, le Conseil d’Etat et les associations, la proposition de loi portée par le député Sylvain Waserman (MoDem) prévoit de mieux définir le statut des lanceurs d’alerte et orienter leurs démarches, mieux les protéger ainsi que ceux qui les assistent, et faciliter leur soutien financier et psychologique, entre autres. La commission des Lois du Sénat «est revenue sur les nombreuses avancées contenues dans la proposition de loi», a déploré dans un communiqué Transparency International France. La Maison des lanceurs d’alerte, qui fédère des organisations, associations et syndicats, a elle aussi fait part de son «inquiétude» face à «la suppression de dispositions parmi les plus progressistes» de la proposition de loi. Le texte adopté par les députés définit le lanceur d’alerte comme «une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général», ou une violation d’un engagement international de la France. Les sénateurs ont réécrit en commission cette définition, en supprimant la notion de «menace ou préjudice pour l’intérêt général», remplacée par celle «d’actes ou d’omissions allant à l’encontre des objectifs poursuivis par les règles de droit». 

Une autre modification qui inquiète les associations concerne la protection des «facilitateurs», qui accompagnent le lanceur d’alerte. Ne seraient plus reconnus comme facilitateurs que des personnes physiques. La rapporteure Catherine Di Folco (LR) a estimé «indispensable d’imposer des garde-fous, afin que le régime ne soit pas détourné de ses finalités par des officines qui chercheraient à déstabiliser les administrations ou les entreprises françaises». 

Les sénateurs sont également revenus, en commission, sur l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte. Ils ont précisé qu’elle ne s’étendrait pas aux «atteintes à la vie privée» (par exemple, la violation de domicile) ou aux «atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données». La proposition de loi du député Waserman transpose en droit français une directive européenne de 2019, en allant au-delà de ce qu’exige le droit européen. Elle entend corriger des imperfections de la loi pionnière dans ce domaine – dite «Sapin II» – de 2016. Si les sénateurs restent en séance sur leur version, et qu’ensuite députés et sénateurs ne parviennent pas à un compromis, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot.