Les algorithmes qui recommandent des oeuvres aux consommateurs sur internet sont contraires à la diversité culturelle

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Les algorithmes qui recommandent des oeuvres au consommateur, comme celui du service de vidéo en ligne Netflix, risquent de l’ «enfermer dans ses propres goûts au détriment de la découverte», voire de «standardiser la création, dictée par les attentes du public», s’est inquiété mardi le président du CSA Olivier Schrameck. «L’hyper-offre» de contenus audiovisuels permise par les nouveaux services de vidéo en ligne illimités n’est pas toujours synonyme de diversité culturelle, a estimé M. Schrameck lors du Forum de Tokyo sur la culture et le numérique. Il en résulte «deux principaux risques: un égarement de l’utilisateur et une concentration des transactions autour de quelques titres», a-t-il dit. «La réponse à ces risques réside dans la fonction devenue essentielle de recommandation», a expliqué le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. La ministre de la Culture Fleur Pellerin avait, elle, cité en exemple le 17 octobre l’algorithme de Netflix – sans jamais citer la marque – qui recommande des contenus aux internautes, appelant de ses voeux des «offres plus ergonomiques, avec des catalogues plus fournis». «Il faut aider le public à se frayer un chemin dans cette multitude de contenus et à aller directement aux contenus qui vont être pertinents pour lui, pour ses goûts, son intérêt, ses souhaits», avait-elle déclaré. Mais pour Olivier Schrameck, c’est la recommandation humaine et éditoriale, basée sur le contenu des oeuvres, qui doit être privilégiée et non la recommandation automatique, basée sur un algorithme et des données sur les utilisateurs et leur comportement (âge, genre du programme, nombre de re-visionnages, heure de consommation, etc.), solution privilégiée par Netflix. La recommandation humaine, «comme sur Filmo TV ou sur le service OCS Go d’Orange», «contribue à la liberté de choix des utilisateurs et privilégie leur sens de la découverte», a-t-il fait valoir. Le CSA va par ailleurs réévaluer l’efficacité de l’actuelle règlementation des services de vidéo en ligne sur abonnement (SMAD), de plus en plus difficile à appliquer en raison des évolutions technologiques. En effet, parmi les obligations qui s’imposent à ceux installés en France — donc pas à Netflix, installé au Luxembourg — figure celle de présenter dans leur catalogue 60% d’oeuvres européennes, dont 40% d’oeuvres «d’expression originale française». De plus, leur page d’accueil doit présenter «une proportion substantielle d’oeuvres européennes et d’expression originale française», ce qui semble difficile lorsque les pages d’accueil sont personnalisées par un algorithme.  «Quels résultats produisent les quotas d’oeuvres en catalogue sur les choix opérés par le consommateur ? Quelle est l’efficacité des obligations imposées en page d’accueil à l’heure de la personnalisation et de la recommandation algorithmique ?», s’est interrogé le président du CSA, qui souhaitait partager les résultat de cette analyse avec ses homologues européens. «La diversité doit s’apprécier beaucoup plus largement par la prise en compte d’autres critères: le renouvellement des talents, celui des formats (notamment dans leurs modèles participatifs), ou encore l’importance des financements», a ajouté Olivier Schrameck.