Maître de la lumière et du plan-séquence, Emmanuel Lubezki sacré à Hollywood

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Maître de la lumière et du plan-séquence, le Mexicain Emmanuel Lubezki est devenu dimanche grâce à «The Revenant» le premier directeur de la photographie à obtenir trois Oscars consécutifs. «Merci infiniment à l’Académie. C’est incroyable. Je veux le partager avec les acteurs et l’équipe, et surtout avec mon «compadre» (Alejandro) Iñarritu», a-t-il lancé en direction de son compatriote et réalisateur de «The Revenant», en recevant son prix sur la scène du Dolby Theatre.

Le Mexicain quinquagénaire rivalisait dans cette catégorie avec Ed Lachman («Carol»), Robert Richardson («Les Huit salopards»), John Seale («Mad Max: Fury Road») et Roger Deakins («Sicario»).

Le président mexicain Enrique Peña Nieto a lui-même salué le «grand talent» d’Emmanuel Lubezki sur Twitter. Sans son oeil, son intuition et sa façon de sublimer un scénario, le réalisateur Alejandro Iñarritu n’aurait pas été en mesure de mener à bien «The Revenant», fresque de survie et vengeance à couper le souffle, tournée dans des conditions éprouvantes et interprétée par Leonardo DiCaprio.

L’année dernière, Emmanuel Lubezki avait aussi largement contribué au succès du «Birdman» d’Iñarritu, comédie acide, tour à tour introspective ou onirique: un film singulier, émouvant et étourdissant alors même qu’il est tourné dans l’enceinte confinée d’un théâtre de Broadway. C’est encore lui qui avait permis à Alfonso Cuaron, un autre cinéaste mexicain oscarisé, de réaliser son magistral «Gravity», faisant dériver Sandra Bullock et George Clooney dans l’espace. Emmanuel Lubezki reconnaît que l’une des clés de son métier est de deviner précisément ce qu’imagine dans sa tête le réalisateur, voire de l’anticiper, comme avec son complice Iñarritu. Tous deux ont passé des mois à étudier les paysages du Grand Nord canadien ou de la Patagonie pour retranscrire en lumière naturelle l’instinct de survie, la rage et le désespoir de Hugh Glass, le légendaire trappeur dont est inspiré «The Revenant». Trahi par d’autres trappeurs qui tuent son fils et le laissent pour mort après une attaque par un grizzli, il va défier l’immensité sauvage avec une obsession: se venger. La mythique scène du corps-à-corps de «Leo» avec l’ours, le moment le plus viscéral du film, est précisément l’oeuvre de Lubezki, un plan-séquence pour transmettre l’horreur, la brutalité et la panique, aidé par quelques effets spéciaux dernier cri.

Lukezki comme Iñarritu, interrogés encore et encore sur la manière dont ils ont réalisé cette scène, sont restés muets: «c’est comme si on demandait à un magicien de révéler ses secrets», a expliqué le directeur de la photographie au site Awards Daily.

Egalement partenaire fidèle de Terrence Malick, il a reçu deux de ses huit nominations aux Oscars pour deux films de cet autre visionnaire du septième art, «The Tree of Life» en 2012 et «Le Nouveau monde» (2005). Il était aussi derrière la caméra pour son dernier film, «Knight of Cups».

Emmanuel Lubezki, qui a commencé sa carrière dans des productions mexicaines pour la télévision et le cinéma à la fin des années 1980, a également mis en image le roadtrip détonnant d’«Y tu mamá también» (2001) et celle du conte fantastique de Tim Burton, «Sleepy Hollow».