Marvel veut pénétrer le marché chinois avec «Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux»

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Pour pénétrer le marché chinois, juteux mais étroitement contrôlé, Hollywood a visé la simplicité: mettre un acteur asiatique au coeur d’un film de super-héros Marvel, une 1ère dans l’histoire de cette franchise de tous les records. «Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux» poursuit la saga inaugurée en 2008 avec «Iron-Man» dans une Chine imaginaire mêlant créatures gigantesques, mysticisme et kung-fu sur fond de relation difficile entre un fils et son père. Joué par l’acteur canadien d’origine chinoise Simu Liu, Shang-Chi a fui un père dominateur alors qu’il n’était encore qu’un adolescent – destiné à devenir un assassin sans pitié – et se retrouve errant aux Etats-Unis. Il y mène une vie sans histoire, se liant d’amitié avec Katy, jouée par Awkwafina («Crazy Rich Asians»), jusqu’à ce que son père lui envoie une équipe de gros bras pour le ramener à la maison. C’est l’acteur fétiche de Wong Kar-wai, Tony Leung («In the Mood for Love») qui interprète le père, Wenwu: un vilain pas tout à fait méchant et plein de complexité qui tire ses super-pouvoirs des dix anneaux magiques enserrant ses bras. «Shang-Chi» s’inscrit sans aucun doute possible dans l’univers cinématographique Marvel, avec des clins d’oeil appuyés aux opus précédents comme le retour de Ben Kingsley dans le rôle de l’acteur raté d’«Iron Man 3». Numéro un mondial du divertissement, Disney espère ainsi faire une percée sur le marché chinois, où certains épisodes de la saga Marvel ont déjà rapporté gros. «C’est émouvant, car ça faisait longtemps qu’on attendait d’avoir un super-héros asiatique et un film qui célèbre non seulement notre culture, mais aussi notre dimension humaine», a déclaré l’actrice américaine d’origine chinoise Jodi Long. «Et je pense que c’est vraiment important en ces temps de Covid et de xénophobie», relève-t-elle. Mais même avec une distribution majoritairement asiatique et de longs dialogues en chinois mandarin, le succès n’est pas garanti. Comme le précédent Marvel, «Black Widow», le film n’a toujours pas de date pour une éventuelle sortie en Chine. Une forme de censure voilée contre Marvel, dont la prochaine super-production sera «Les Eternels», réalisé par Chloé Zhao. La réalisatrice oscarisée cette année pour «Nomadland» a été la cible de vives critiques en Chine, après des propos lui étant attribués dans un magazine américain en 2013, où elle semblait critiquer son pays de naissance. Même si «Shang-Chi» n’a pas encore fait parler de lui dans le grand public, il a été assez fraîchement accueilli par les professionnels chinois. «Ce film ne fera qu’aggraver les stéréotypes du monde à notre égard», a écrit l’un d’eux sur Weibo, équivalent chinois du réseau social Twitter. Un autre abonné qualifie le film de «piètre tentative de faire de l’argent sur le dos du public chinois». Un utilisateur du site populaire de critique cinématographique Duoban grogne devant cette idée qu’un Chinois américanisé rentre au pays pour se battre avec son père à la mentalité traditionnelle. «Marvel, vous voulez vraiment pénétrer le marché chinois avec une intrigue comme celle-là?», écrit-il. Le président des studios Marvel, Kevin Feige, a tenté de désamorcer ces critiques dans une interview avec un critique de cinéma chinois, assurant que le fond de l’histoire de Shang-Chi était au contraire un retour à ses racines. «Cette tendance à s’enfuir… ça constitue l’un de ses défauts», a-t-il dit selon «Variety». Le réalisateur Destin Daniel Cretton insiste de son côté sur les efforts des cinéastes pour dissiper «les stéréotypes évidents» à l’encontre des Asiatiques «dans la vie et la société, des stéréotypes qui étaient aussi présents dans les comics à l’origine».