Le public africain francophone «en attente de grandes séries d’Afrique francophone»

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Le public africain francophone est «en attente de grandes séries d’Afrique francophone», analyse Damiano Malchiodi, directeur de la chaîne A+, filiale du groupe français Canal Plus, qui ambitionne de faire émerger une industrie locale avec les investissements de son groupe. Le «public est très en demande d’avoir de grandes séries d’Afrique francophone, sachant qu’il consomme déjà de l’Afrique anglophone» ou lusophone et même des séries latino-américaines, souligne M. Malchiodi en marge du 2e Discop d’Abidjan (Marché de développement de l’industrie, de la création et vente de contenus télévisuels). «Les Africains ont des histoires fortes et ils savent raconter des histoires mais après il faut les mettre en musique avec une image et un son qualité et répondre aux attentes du public (…). Apporter des histoires africaines dans les foyers africains», estime-t-il. «C’est une vocation d’A+ d’investir, de développer des séries dans toute l’Afrique francophone qui peuvent répondre à une attente du public en liaison avec leur quotidien», promet-il. Le groupe Canal Plus, qui refuse de communiquer sur les investissements en Afrique, compte en partie sur le continent pour compenser des comptes au rouge en France. Le groupe qui a enregistré plus 650 millions d’euros de pertes et une hémorragie d’abonnés ces deux dernières années en France, est sur une dynamique inverse en Afrique où il compte désormais 2,8 millions d’abonnés. La chaine A+ – la moins chère de son offre -, qui diffuse essentiellement des séries et des programmes de divertissements  compte 3 millions d’abonnés si on comptabilise ses clients hors Afrique. Le marché est donc là mais il reste «beaucoup de choses à mettre en place dans les métiers et les expertises (…), à structurer le marché, professionnaliser toute la filière», explique Damiano Machiodi. Il espère que les investissements du groupe vont permettre de faire émerger «un écosystème pour arriver à une industrie autour du cinéma et de la fiction en Afrique francophone». «Il y a clairement une capacité de développement pour devenir un marché aussi puissant que d’autres» comme Nollywood (Nigeria) ou Bollywood (Inde). «Il y a une nouvelle génération, d’humoristes, comédiens, chanteurs, musiciens… Il y a un vivier, une puissance une force qui attendent», souligne-t-il.

Le directeur de la chaîne désigne toutefois un écueil à éviter: le piratage en amont (avec les décodeurs pirates) comme en aval (reproduction et diffusion des oeuvres sans droits).  «C’est extrêmement destructeur pour le marché qui justement se construit. Il faut que les comédiens, les producteurs, les réalisateurs… aient des rémunérations», assure-t-il. Rien qu’en Côte d’Ivoire, Canal+ estime qu’il y aurait environ un millions de clients-pirates soit le double du nombre de ses abonnés. «C’est une attaque directe aux créateurs de contenus. Ils (pirates) cassent le cercle. On essaie de construire le marche, de permettre aux producteurs d’avoir un retour sur investissement pour pouvoir réinjecter (les sommes gagnées)  dans de nouvelles productions. Certains ont mis 10 ans à juste se rembourser d’une série comment voulez-vous qu’ils arrivent à réinvestir dans une autre?», s’interroge M. Malchiodi. «On peut créer 12, 25 chaînes… L’enjeu c’est le contenu, africain ou international (…) Il faut ce retour sur investissement pour créer» une industrie africaine francophone pérenne, conclut-il.