TV : la fiction politique au goût du jour

399

Les TV se montrent de moins en réticentes à se lancer dans le téléfilm politique, portées par les audiences de films comme «Mort d’un président» ou «Yann Piat», mais elles prennent soin de s’entourer d’avocats et évitent les affaires récentes. Le 29 janvier, France 3 va proposer «Affaire Boulin: un crime d’Etat?», un téléfilm qui défend la thèse de l’assassinat du ministre Robert Boulin en 1979. «L’idée est de faire plus de films politiques. Le public est très intéressé par ces sujets», explique Anne Holmes, directrice de la fiction de la chaîne publique. «Mort d’un président», traitant de Georges Pompidou, a été regardé sur France 3 par 3,8 millions de personnes, un plébiscite pour la chaîne publique. «Un homme d’honneur», sur Pierre Bérégovoy, a été suivi par près de 4 millions sur France 2 et «Yann Piat» – du nom de la députée assassinée en 1994 -, par près de 900.000 personnes sur Canal+, parmi les meilleurs scores de la chaîne payante. Pourtant, la fiction politique a longtemps été absente du petit écran. «Il y a huit ans, ce n’était même pas la peine d’évoquer un projet de film politique avec les chaînes. Ça les angoissait, elles partaient en courant. Ça s’est progressivement dégelé, sûrement parce que les TV ont vu que les gens s’y intéressaient», raconte Serge Moati, journaliste et réalisateur. Canal+, qui a relancé le genre en France au début des années 2000, en a produit une quinzaine en huit ans. Parmi les sujets traités, le Service d’action civique, la Françafrique, l’affaire Elf ou la cohabitation entre François Mitterrand et Jacques Chirac. «La TV n’avait pas envie de chatouiller le pouvoir et préférait éviter les sujets qui fâchent. C’était de l’autocensure et un fantasme car en France on est libre de faire les sujets politiques qu’on veut», estime Fabrice de la Patellière, responsable de la fiction à Canal+.    Pierre Aknine, réalisateur des téléfilms sur Boulin et Pompidou, parle, lui, d’autocensure chez les professionnels de la fiction: «Les réalisateurs et producteurs ont peur de faire des films politiques». Pourtant il dit n’avoir subi aucune pression de la part de France 3 lors de l’écriture et du tournage du film sur l’affaire Boulin. «J’ai été très agréablement surpris».Parmi les téléfilms très prochainement à l’écran, «Les anonymes» de Pierre Schöller («L’exercice d’Etat») sur Canal+ qui va revenir sur l’enquête autour de l’assassinat du préfet Erignac, «La dernière campagne» (France 2) une fiction de Bernard Stora où Jacques Chirac s’immisce dans la campagne qui oppose François Hollande et Nicolas Sarkozy. «La rupture» (France 3) s’attaque à la cohabitation entre Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac. Preuve du frémissement dans le secteur, la société Endemol, plus connue pour ses émissions de téléréalité («Secret Story», «La ferme des célébrités») va elle aussi produire deux téléfilms politiques. «Mensonge», développé pour Canal+, revient sur les coulisses du fameux discours de Dominique de Villepin à l’Onu. «Le pouvoir ne se partage pas» est basé sur le récit d’Edouard Balladur autour de sa cohabitation avec Mitterrand. Malgré tout, la prudence reste de mise. «Il doit y avoir un savoir-faire. Ce n’est pas une simple comédie: il y a un énorme travail de documentation à faire, un travail juridique», relève Anne Holmes. Pour éviter toute poursuite, les réalisateurs et TV s’entourent d’avocats et ne s’intéressent pas aux affaires trop récentes ou en cours de jugement, comme le complexe dossier «Karachi». «On a besoin d’un minimum de recul. Avant tout on fait une fiction, on ne cherche pas de scoops.