Après les scénaristes en grève, les acteurs vont-ils mettre Hollywood à genoux?

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Après les scénaristes en grève, les acteurs vont-ils mettre Hollywood à genoux? Le suspense plane aux Etats-Unis face à la possibilité d’un double mouvement social, qui pourrait débuter ce week-end et provoquerait l’arrêt de la quasi-totalité des productions cinématographiques et télévisuelles. La date limite fixée pour les négociations entre le patronat des grands studios et plateformes de streaming et le syndicat des acteurs (SAG-AFTRA) est vendredi minuit à Los Angeles. Et les 160.000 membres de l’organisation ont approuvé de manière quasi unanime le principe d’une grève, si aucun accord sur une nouvelle convention collective n’est trouvé. A l’instar des scénaristes, déjà en grève depuis début mai, les acteurs réclament de meilleures rémunérations pour lutter contre l’inflation et la précarisation du métier, et des garanties face aux bouleversements potentiels liés à l’usage de l’IA. Un double mouvement social réunissant acteurs et scénaristes serait une 1ère à Hollywood depuis 1960, époque à laquelle Ronald Reagan avait mené une grève majeure qui avait débouché sur des concessions importantes des studios et consacré l’envergure politique d’un acteur devenu par la suite président des Etats-Unis. Déjà largement ralenti par la grève des scénaristes, Hollywood se retrouverait complètement à l’arrêt: les acteurs sont capables de geler non seulement les productions basées sur les scripts déjà terminés avant mai, mais aussi la promotion des blockbusters attendus en salle cet été – «Barbie», «Oppenheimer», «Gran Turismo», etc. Seuls quelques «talk shows» et émissions de télé-réalité pourraient se poursuivre. Et certains grands événements comme les Emmy Awards, qui attribuent en septembre l’équivalent des Oscars télévisuels, seraient menacés. «Les gens qui ne sont pas dans cette industrie, et même certains qui le sont, surestiment largement l’argent que gagnent les acteurs – on suppose que si l’on voit quelqu’un à la télévision, c’est qu’il doit être riche», confie l’actrice Rebecca Metz. «Mais ce n’est pas du tout le cas depuis quelques années». Gagner sa vie est devenu «extrêmement difficile», insiste cette comédienne, qui a notamment interprété des seconds rôles dans les séries «Better Things» et «Shameless». Comme pour les scénaristes, le bât blesse notamment au niveau des rémunérations «résiduelles», dues à chaque rediffusion d’un film ou d’une série. Conséquents lors d’un passage télévisé car basés sur le modèle publicitaire, ces émoluments sont bien moindres pour les plateformes de streaming, qui ne communiquent pas leurs chiffres d’audience. Pour une rediffusion sur Netflix ou Disney+, les acteurs touchent ainsi une rémunération forfaitaire, quelle que soit la popularité de leur production. «J’ai vu mes revenus résiduels diminuer au cours des 10 à 15 dernières années», rapporte Mme Metz, en précisant qu’ils ne représentent désormais plus qu’une «fraction minuscule» de ceux d’antan. Un sérieux problème pour de nombreux acteurs, rappelle-t-elle, car il faut atteindre une rémunération minimale pour bénéficier d’une assurance maladie. Personne ne sait encore si la grève aura lieu, car les deux parties s’épanchent très peu. L’ancienne star de la série «Une nounou d’enfer» et présidente du SAG-AFTRA, Fran Drescher, a publié un message vidéo vendredi pour faire état de «négociations extrêmement productives», et a promis un «accord décisif». Mais le négociateur en chef du syndicat, Duncan Crabtree-Ireland, s’est inquiété de la «fenêtre très étroite» pour parvenir à un accord. De quoi alimenter les spéculations sur une possible prolongation temporaire des négociations. La question de l’IA complique également les pourparlers, car les acteurs veulent des garanties pour réglementer son utilisation future, notamment en matière de clonage vocal.