Assises du journalisme: le grand prix décerné aux SDJ du «JDD» et de «Paris Match», qui «luttent contre l’emprise de Vincent Bolloré»

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Le Grand prix des Assises du journalisme de Tours a été décerné jeudi aux Sociétés des journalistes du «JDD» et de «Paris Match», qui «luttent contre l’emprise de Vincent Bolloré», milliardaire en train de prendre le contrôle de ces titres. «A travers elles, on voulait distinguer tous ceux et toutes celles qui ont lutté, qui luttent encore aujourd’hui et qui lutteront encore, on l’espère, contre Vincent Bolloré», a déclaré Isabelle Roberts, coprésidente du jury de ce «Grand prix du journalisme Michèle Léridon». L’autre coprésident de ce jury d’une vingtaine de journalistes et d’universitaires était Raphaël Garrigos, avec qui Isabelle Roberts a fondé le média «Les jours». Les discussions ont été «vives» mais le vote a ensuite été «sans appel» pour montrer «le soutien de toute une profession», qui est «urgent» et «vital», a assuré Isabelle Roberts.

Aucun membre des deux Sociétés des journalistes (SDJ) n’était présent pour recevoir le prix, qui a été remis au journaliste Patrick Cohen, juré et ancien d’Europe 1. Selon lui, cette absence était due à la «crainte de représailles». «Les jours», média en ligne engagé à gauche, consacre depuis sa création en 2016 une longue série d’articles critiques à l’empire médiatique de Vincent Bolloré, intitulée «L’empire». Le milliardaire est accusé de promouvoir ses opinions politiques très à droite via les médias qu’il contrôle et de favoriser des départs massifs de journalistes qui y sont opposés. Son groupe, Vivendi, qui détient Canal+ et les magazines de Prisma, est en train d’avaler Lagardère, auquel appartiennent le «Journal du dimanche» (JDD) et «Paris Match». Vivendi est monté en puissance dans le capital de Lagardère l’an passé et en détient désormais 57%. Il ne peut toutefois pas utiliser pour le moment tous les droits de vote associés: la finalisation de cette prise de contrôle est en effet conditionnée au feu vert des autorités européennes de la concurrence. Ces derniers mois, plusieurs évictions ou choix éditoriaux au «JDD» et «Paris Match» ont suscité des réactions inquiètes de leur SDJ. Dans un média, cette association, dont les membres sont élus par leurs pairs, a pour rôle de veiller aux questions de déontologie et d’indépendance. Dernier épisode en date: en février, les deux SDJ avaient exprimé leurs «vives inquiétudes» quant au traitement dans leurs journaux des tensions entre leur actionnaire Vivendi et la ministre de la Culture Rima Abdul Malak, redoutant que cela n’entache leur «image d’indépendance». Ces tensions sont nées quand Mme Abdul Malak a rappelé que le régulateur de l’audiovisuel, l’Arcom, pouvait retirer leurs fréquences aux chaînes ne respectant pas leurs obligations. Elle visait C8 (la chaîne de Cyril Hanouna) et CNews, qui font partie du groupe Canal+. Ces chaînes ont été épinglées par l’Arcom une vingtaine de fois depuis 2019 pour diverses polémiques.Le Grand Prix décerné chaque année par les Assises a été rebaptisé il y a deux ans «Grand Prix du journalisme Michèle Léridon», en mémoire de l’ancienne directrice de l’information de l’Agence France-Presse, membre du CSA (devenu l’Arcom), morte brutalement en mai 2021. Trois autres prix ont été remis, dont celui du «livre du journalisme». Il est allé à Alice Géraud pour «Sambre, radioscopie d’un fait-divers» (JC Lattès), qui revient sur des viols en série étalés sur 30 ans.