Canal+ et ITI cèdent le polonais TVN à l’américain Scripps

375

Canal+ et son partenaire polonais ITI ont annoncé lundi la cession de leur part dans le groupe de télévision polonais TVN à l’Américain Scripps Networks Interactive pour 584 millions d’euros, confirmant l’offensive des acteurs américains sur le marché européen. La filiale de Vivendi sort ainsi de cette activité de TV gratuite en Pologne en la cédant à Southbank Media, détenu par le groupe américain Scripps. L’acheteur reprend aussi la dette de Polish Television Holding et de TVN, soit 840 millions d’euros. 

«Cette opération nous permet de recentrer notre stratégie en Pologne autour de la télévision payante», a déclaré le président de Canal+, Bertrand Meheut, soulignant que la Pologne restera le deuxième marché du groupe avec la plateforme de télévision payante premium nc+, dont il devrait garder 51%. Pour Kenneth W. Love, PDG de Scripps qui devrait obtenir 52,7% de TVN, «cette transaction est un moment important dans notre stratégie de développement international, et nous permet d’atteindre une échelle importante en Europe». Scripps, qui détient des chaînes «lifestyle» comme Travel Channel et the Food Network, est co-actionnaire au Royaume-Uni depuis 2011 de UKTV, un portefeuille de 10 chaînes art de vivre et divertissement avec BBC Worlwide.  La vente de la part de contrôle dans TVN, qui détient une part de marché de 11% du marché TV  polonais, avait suscité une dizaine d’offres, notamment de la part de Time Warner and Discovery, selon plusieurs médias. Cette acquisition «s’inscrit dans une tendance de fond. Les opérations de fusions et acquisitions des groupes américains devraient se poursuivre ces prochains mois et années», estime Jérôme Bodin, analyste médias pour la banque Natixis. Discovery Communications est ainsi récemment monté à 51% du capital d’Eurosport, s’est offert le scandinave SNS et l’italien Switchover Media, tandis que Viacom a acquis Channel 5 et Liberty Global une part de 6,4% d’ITV, tous deux au Royaume Uni. «Les marchés TV européens sont perçus comme économiquement attractifs et en phase de reprise» et «le marché polonais est notamment particulièrement dynamique» souligne-t-il. 

Mais ces acquisitions répondent avant tout à un objectif stratégique: «L’essentiel de la rentabilité des groupes américains en Europe est issu de la revente de droits en Europe. Or cette situation est fragile sur le long terme», relève Jérôme Bodin. Ces groupes font face au risque de concentration du marché de la diffusion qui renforce les capacités de négociations des diffuseurs locaux et pourrait conduire à une baisse des prix de leurs programmes. Ils voient aussi se profiler l’émergence d’une industrie européenne des programmes plus puissante. «L’acquisition de diffuseurs européens est donc une opportunité pour les groupes américains intégrés (qui combinent production et diffusion) de répliquer, en partie, le modèle qui a fait leur succès aux Etats-Unis», explique l’analyste. Ces groupes de médias ont d’autant plus tendance à viser une expansion internationale, que le marché américain parvient à saturation. Le phénomène de +cord cutting+ (les désabonnements des clients de la TV par câble) est une réalité, les groupes américains n’ont pas beaucoup de perspectives de développement aux Etats-Unis», souligne de son côté Tim Westcott, analyste média pour le cabinet d’études IHS. Mais «ils ont des marques fortes, un catalogue de programmes forts, beaucoup d’expérience et ils peuvent donc exporter ces chaînes plus facilement que des diffuseurs locaux», relève-t-il.