Cannes: le cinéaste Jafar Panahi à l’espoir de montrer son film «Trois visages» en Iran 

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Jafar Panahi, at his Tehran home,Internationally acclaimed Iranian filmmaker Jafar Panahi, slated to serve as a jury member at the Cannes festival, couldn't attend because he was being heldæ in TehranÍs Evin prison. In March 2010, plainclothes security officials raided PanahiÍs Tehran home and arrested him along with his wife, daughter and 15 house guests. Though Iranian authorities shortly released the others, they held on to Panahi, accusing him of ñmaking a film against the regime following the post-election events,Tehran-Iran1/01/2006/Credit:SATYAR/SIPA/1005151254

Le réalisateur iranien Jafar Panahi, en principe interdit de faire des films, a le «grand espoir» de pouvoir montrer en Iran «Trois visages», son long métrage en lice pour la Palme d’or projeté samedi à Cannes, a annoncé dimanche son équipe. «Son grand espoir est de pouvoir montrer ses films, et particulièrement ce film, en Iran», a dit à la presse sa monteuse, Mastaneh Mohajer. «Je pourrais même vous avouer qu’il a plusieurs fois dit qu’il était prêt à ne pas présenter son film au Festival. Mais pouvoir le projeter en Iran, c’est son grand espoir. C’est vraiment ce (…) sur quoi il se concentre».

Deuxième film iranien présenté cette année en compétition, après «Everybody Knows» d’Asghar Farhadi, «Trois visages» dresse le portrait de trois femmes iraniennes.

Jouant de l’ambiguïté entre réalité et fiction – comme dans «Taxi Téhéran», Ours d’or à Berlin en 2015 -, Jafar Panahi y raconte l’histoire d’une célèbre actrice iranienne (Behnaz Jafari, dans son propre rôle), qui reçoit la vidéo d’une jeune fille (Marziyeh Rezaei) implorant son aide pour échapper à sa famille conservatrice et pouvoir devenir comédienne. Elle part alors avec son ami, le réalisateur Jafar Panahi (joué par Jafar Panahi lui-même), dans le village de la jeune fille, dans les montagnes reculées du nord-ouest de l’Iran, pour comprendre s’il s’agit ou non d’une manipulation.

A travers ce film, Jafar Panahi évoque aussi trois générations, celles du passé, du présent et de l’avenir, à travers trois personnages d’actrices, dont l’une reste hors champ, évoquée mais jamais montrée à l’écran.

«Il y a une grande absence et une grande présence de sa part. C’est peut-être aussi un message comme quoi la présence physique peut être éliminée par l’autorité ou par le temps. Mais la présence artistique, qui influence l’histoire de l’art ne peut jamais être éliminée», a souligné Mastaneh Mohajer.

L’équipe du film a été très applaudie samedi lors de la projection officielle à Cannes, où le siège réservé au réalisateur, interdit de voyager à l’étranger, est resté vide. Les enfants du réalisateur et les actrices de son film ont été accueillis par la ministre française de la Culture, Françoise Nyssen, en haut des marches.

Malgré l’absence de Jafar Panahi, «je crois que notre tristesse s’est en quelque sorte allégée quand on a vu l’empathie qui régnait autour de nous et l’intérêt que les gens portaient à ce film», a indiqué l’actrice Benhaz Jafari, qui a notamment joué dans «Le Tableau noir» de Samira Makhmalbaf, ainsi que dans des séries télévisées populaires.

«Je crois que M. Panahi a vécu des moments très difficiles évidemment durant ces dernières années, mais je crois que c’est un choix qu’il a fait et qu’il y tient. Il va rester fidèle à son choix, tel que je le connais», a-t-elle ajouté. Cinéaste dissident, Jafar Panahi, 57 ans, est pour la première fois en lice pour la Palme d’or à Cannes, un festival qui l’a déjà accueilli plusieurs fois dans d’autres sections.

Il a été condamné en 2011 à six ans de prison et 20 ans d’interdiction de réaliser ou d’écrire des films, voyager ou s’exprimer dans les médias, pour «propagande contre le régime» après avoir soutenu le mouvement de protestation de 2009 contre la réélection de l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République islamique.