Critiquer la politique menée au Nicaragua vaut à un journaliste indépendant insultes et menaces de mort

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Critiquer la politique menée au Nicaragua vaut au journaliste indépendant Wilih Narvaez insultes et menaces de mort ouvertement lancées par les partisans du président Daniel Ortega, qui assure pourtant être le garant de la liberté d’expression dans le pays. Le Comité de protection des Journalistes (CPJ), basé à New York, s’inquiète et a demandé aux autorités de «mener rapidement une investigation exhaustive sur le harcèlement» dont est victime le journaliste, de garantir sa sécurité et de poursuivre les responsables de cette campagne. Selon le CPJ, la situation de Wilih Narvaez est représentative des difficultés qu’affrontent beaucoup de journalistes indépendants qui, de manière routinière, sont photographiés, harcelés, voient parfois leur domicile perquisitionné ou sont agressés par la police quand ils couvrent des activités de l’opposition. Pour Wilih Narvaez, les agressions, verbales et physiques ont commencé en 2018, lorsque le pays a été secoué par un soulèvement populaire, réprimé dans le sang, pour réclamer la démission de Daniel Ortega et de son épouse et vice-présidente Rosario Murillo. «Depuis 2018 j’ai reçu toutes sortes de menaces sur les réseaux sociaux, et je suis harcelé par la police», explique Wilih Narvaez, qui est dans le collimateur du pouvoir pour sa couverture des troubles. Traité de «chien», de «golpista» (fomenteur de coup d’Etat) et de «manipulateur», le journaliste est suivi à la trace. «Des partisans du pouvoir parfaitement identifiés (m’envoient) des messages du genre «nous savons que tu vas au palais de justice», «nous savons que tu es dans la rue», «on te tient à l’oeil…», indique le journaliste âgé de 32 ans et père d’un enfant. C’est une menace de mort reçue le 4 mars via les réseaux sociaux qui a déclenché l’alarme : «chien «golpista», nous avons une balle pour chaque membre de ta famille. Tu recevras bientôt une visite», lui a lancé une femme identifiée comme proche du parti du président Ortega. Il s’est également vu menacé de voir sa maison incendiée, avec sa famille à l’intérieur. Journaliste depuis 2012, Wilih Narvaez travaille pour le site internet d’informations «Divergentes», critique du pouvoir. Auparavant, il collaborait au journal d’opposition La Prensa, puis il s’est fait connaître comme reporter pour la chaîne de télévision privée Canal 10 où il animait une émission matinale d’interviews politiques. Plus d’une vingtaine de médias indépendants ont été contraints de mettre la clé sous la porte au Nicaragua, surtout depuis les troubles de 2018, selon la Fondation Violeta Barrios de Chamorro (FVBCH), une ONG de défense des droits de l’homme et de la presse qui porte le nom de la première présidente élue démocratiquement au Nicaragua. Cette ONG, comme plusieurs autres, a dû cesser récemment ses activités à cause d’une récente loi sur les «agents étrangers» qui multiplie les tracasseries administratives contre toute personne ou entité recevant des fonds de l’étranger. Plus de 70 journalistes nicaraguayens, menacés, ont été contraints à l’exil. Quatre ont été traînés devant les tribunaux depuis les événements de 2018 sous l’accusation d’injures, détaille la FVBCH, qui a enregistré depuis lors plus d’un millier d’atteintes à la liberté de la presse. «Le gouvernement nous considère comme des membres de l’opposition, (…) ils nous voient comme des ennemis», déplore Wilih Narvaez. Malgré les preuves, le président Ortega clame haut et fort que la liberté d’expression existe bel et bien au Nicaragua. «Ici tout le monde dit ce qu’il veut. Sur les réseaux sociaux, sur leurs pages, ils disent n’importe quoi», a-t-il dit lundi. «Ailleurs, on les emprisonne. (Dans d’autres pays), ils seraient tous en prison, accusés de terrorisme», a-t-il vitupéré.